Marché
transatlantique :
c’est
trop grave ! Le peuple doit être consulté.
C’est sans doute la ministre, Mme Fleur
Pèlerin, qui a le mieux caractérisé le sens du voyage d’état de F. Hollande aux
Etats-Unis. Il était « venu donner des preuves d’amour
aux patrons ». Et le peuple alors ? A quel sentiment
a-t-il droit ? De fait, en faisant participer M. Gattaz au dîner d’Etat,
en se rendant auprès du grand patronat à San Francisco et en donnant l’accolade
au leader du mouvement de novembre 2012, dit des « pigeons », opposé
à l’impôt sur le capital, le Président de la République a malheureusement une
nouvelle fois montré quels intérêts il servait. Nous en sommes au point où la
droite n’a même plus le loisir de critiquer les choix économiques, sociaux et
internationaux actuels, puisque ses idées sont mises en œuvre. M. Copé et
d’autres en sont réduits à la surenchère jusqu’à commenter bêtement la qualité
de livres pour enfants et à faire courir des rumeurs sur feu la loi sur la
famille ou cette fumeuse prétendue « théorie du genre » à l’école.
Au cours du voyage présidentiel aux
Etats-Unis, n’ont jamais été évoqués : ni les affaires d’espionnage par la
NSA, ni le sort de Snowden et d’Assange, ni Guantanamo, ni les enjeux du
désarmement pas plus que les largesses fiscales dont bénéficient des groupes
comme Google. Par contre, le Président de la République a de fait poursuivi sa
mue, se dépouillant définitivement des quelques oripeaux sociaux-démocrates qui
l’encombraient encore. En appelant à « accélérer les négociations sur
le projet de marché transatlantique, pour une conclusion rapide »,
M. Hollande a donné satisfaction aux organisations patronales allemandes et au
Medef qui, dans une déclaration commune, le réclamaient. Tout comme à
« l’European américan business concil » (EABC) ou conseil des
affaires Europe – Amérique qui regroupe des dizaines de grandes sociétés
industrielles et bancaires et au « Transatlantic business Dialogue »
qui, côté américain comme européen, réunit les principales firmes transnationales.
Jamais jusqu’ici, le Président de la
République n’a parlé en France du projet de marché unique transatlantique à la
télévision ou au cours d’une réunion publique. Voici qu’il le fait aux
Etats-Unis devant M. Obama et le monde des affaires, après avoir cosigné, le
jour de son arrivée sur le continent nord-américain, une tribune commune avec
le président nord-américain.
Ce projet est extrêmement dangereux pour nos
vies quotidiennes. Il poursuit plusieurs buts : tenter de faire face à la
crise des débouchés que provoquent les politiques d’austérité en attisant la
guerre économique pour offrir des « marchés » d’exportation aux
grandes firmes en éliminant toutes les barrières douanières et surtout en
harmonisant vers le bas toutes les règles du commerce et les normes sociales,
sanitaires, alimentaires ou environnementales. Toutes les mesures de protection
sociale comme le salaire minimum garanti, les précautions sanitaires, la
qualité de l’alimentation, les services publics, la création culturelle, la protection
des consommateurs, les droits d’auteurs, l’épargne, seraient alignées sur des
« règles mondiales édictées par le grand capital international » pour
augmenter encore ses marges et ses profits.
Le second objectif de ce « marché unique
transatlantique » vise, pour les pays occidentaux, à tenter de reprendre
leur domination sur le monde face aux pays émergeants comme le Brésil, la
Chine, l’Inde, l’Afrique du sud et l’Indonésie. Ce projet, c’est le marché
capitaliste, avec l’OTAN comme gardien contre les souverainetés populaires. Ce
projet, c’est la création d’un « marché intérieur transatlantique »
contre l’existence même d’une autre construction européenne. Et pour faire
accepter tout cela, pour torpiller définitivement nos services publics, pour nous
faire accepter le bœuf aux hormones et les poulets au chlore ou pour accaparer
toutes nos données personnelles via les géants de l’internet, ils ont inventé
le missile destructeur de toute souveraineté des Etats, des Parlements et même
des gouvernements : la création d’un tribunal arbitral privé où les
sociétés multinationales seront juges et parties. Elles pourront attaquer les
Etats quand un système de protection environnemental ou social entravera leurs
intérêts. Ce serait définitivement le triomphe de la loi de l’argent contre la
loi du peuple. Ce serait une dictature sans chars dans les rues, sans généraux
casqués et bottés au pouvoir. Il existe déjà de tels exemples à partir
d’accords de libre-échange existants. Ainsi, la firme Philip Morris porte plainte
contre l’Australie, parce que ce pays restreint le commerce du tabac. Le groupe
multinational Novartis poursuit l’Inde pour la contraindre à cesser la
production de médicaments génériques.
De même, demain, si la France refusait le bœuf
ou le lait aux hormones nord-américains, telle ou telle culture de végétaux
modifiés génétiquement, l’exploitation de gaz de schiste, ou encore le maintien
d’un salaire de base pour une durée limitée du temps de travail, des firmes
multinationales pourraient poursuivre l’Etat et imposer leurs choix. C’est très
grave !
M. Hollande connaît si bien ces dangers qu’il
s’est écrié devant M. Obama au cours d’une conférence de presse : « Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien
qu’il y aura une accumulation de peurs, de menaces et de crispations ».
Quel terrible aveu ! Quelle négation de la démocratie. Cela ressemble à
une tentative de coup de force dans le dos des populations française et
européennes. Nous réclamons, une nouvelle fois, la transparence sur les
négociations en cours. Nous demandons à F. Hollande et au gouvernement de
mettre à disposition de nos concitoyens le texte du mandat de négociation de la
Commission européenne, ainsi que toutes les expertises produites par chacun des
ministères sur les conséquences d’un tel marché transatlantique. Nous demandons
aux médias d’organiser des débats publics sur ce sujet. Chaque ville,
département, région, peut voter, comme l’a fait le Conseil régional
d’Ile-de-France, sur proposition des élus du Front de gauche, des motions
réclamant le retrait de ce projet.
Le prochain Parlement européen aura le pouvoir
de le rejeter. Dans ces conditions, la question devient l’un des enjeux
principaux des prochaines élections européennes. Ni le vote pour les listes de
droite, ni celui pour les listes soutenues par le Président de la République,
ni l’abstention ou le vote d’extrême-droite ne permettront de créer un rapport
de force en ce sens. Un débat public doit être organisé, sanctionné par une
consultation populaire dans toute l’Europe avant toute décision.
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