Manifestation à Madrid
Graines d’espoir
Un puissant vent de protestation populaire
balaie la planète de part en part.
Du Chili à Israël, de tous les pays arabes
au Portugal, de l’Espagne au Royaume-Uni, de l’Italie à la Grèce, la jeunesse
porte haut le drapeau de la colère et de l’indignation.
Toutes ces manifestations ont lieu au même
moment, alors qu’elles sont souvent très éloignées les unes des autres. Elles
ont pour caractéristique de durer depuis des semaines, en revêtant des formes
identiques, jusque là inusitées. Leur persévérance, la force du nombre, la
communauté des objectifs poursuivis ont une signification profonde au point
d’incarner la lumière de l’espoir qui brille à l’horizon et si près de nous.
Dans les pays arabes, comme en Espagne ou au Chili, elles rassemblent bien
au-delà de celles et ceux qui jusque là sortaient dans la rue pour se faire
entendre.
Quelles sont les exigences principales qui s’y
expriment ?
La justice et la démocratie, étroitement
mêlées. Exactement ce que les dictateurs corrompus, protégés par leurs amis et
leur police personnelle, refusaient aux peuples arabes.
Exactement ce que le capitalisme financier
mondialisé refuse à l’ensemble des peuples.
Ce refus confirme que l’injustice, l’infernale
fabrique d’inégalités, le recul des libertés et de la démocratie ne sont pas
des avatars du système. Aujourd’hui plus qu’hier, avec la crise du capitalisme
mondialisé financiarisé, ils sont le système !
Non seulement les marchés financiers, – ces
célèbres inconnus ! – les puissances bancaires et financières ont besoin de
détruire toujours plus de travail et de capital productif pour assouvir leur
besoin de rentabilisation des énormes fonds qu’elles investissent.
C’est ainsi que l’Union européenne garantit
les banques qui mettent littéralement à bas les pays et les populations, leurs
instruments publics et sociaux jusqu’à attaquer désormais les Etats.
Un violent bras de fer est désormais engagé
entre les tenants du capital et les peuples, notamment les travailleurs, les
jeunesses qui savent désormais qu’elles vivront plus mal, beaucoup plus mal que
leurs aînés, alors que le monde regorge de plus de richesses, d’innovations
technologiques. Cette angoisse, cette révolte ne vaut d’ailleurs pas que pour
eux-mêmes.
Ils ne supportent plus cette planète fracturée
par les inégalités sociales et territoriales, technologiques, balafrée par les
coups portés à l’environnement. Ils sont la génération qui subit dans toute son
ampleur la domination autoritaire et violente du capitalisme financier
déchaîné, déconnecté non seulement de l’économie réelle mais de la vie réelle,
au service exclusif des spéculateurs.
Non seulement le capitalisme a provoqué et
amplifié sa crise globale, poussant le monde vers l’abîme, mais comme un
vampire il se repaît chaque jour sur nos vies.
Il s’est placé au dessus de l’humanité. Les
travailleurs, les jeunes qui se rassemblent et agissent à travers le monde, le
ressentent plus ou moins consciemment. On est frappé de leur clairvoyance à
l’égard du monde politique tel qu’il est beaucoup trop souvent avec ses
combines et combinaisons, ses promesses vaines, ses ambitions personnelles, son
mépris du service de l’intérêt général, son star-système et, de plus en plus,
sa corruption étalée à la une des médias. L’aspiration à une démocratie radicale,
à d’autres institutions partout, à une autre construction européenne ici est
plus puissante qu’il n’y paraît.
Enfin ces mouvements transpirent la fraîcheur,
l’inventivité, dans les slogans comme dans les formes d’action, dans une
demande de rupture avec le système qu’ils s’appliquent à eux mêmes en
s’affranchissant des freins hérités du passé.
On ne retrouve de telles mobilisations à
l’échelle du monde qu’aux alentours de la fin des années soixante avec comme
point culminant mai 1968. Cette fois, dans un contexte totalement nouveau de
crise du capitalisme, les aspirations sont encore plus politiques, plus
civilisatrices, plus désireuses d’humanité. Humanité, au sens de la réalisation
de soi même par l’éducation, la formation, l’accès au travail. Humanité, au
sens du concept des biens communs humains pour toutes et tous et au sens de la
pérennisation de la planète.
Une jonction peut se créer entre peuples des
pays développés, poussés vers une sorte de tiers-mondisation, et peuples de
pays en voie de développement où commencent à progresser éducation et moyen de
vivre mieux, et peuples de continents entiers, poussés vers le dénuement le
plus total.
Une jonction peut aussi se créer entre
travailleurs de secteurs publics et privés, précaires et ce qu’on appelle
communément les « classes moyennes », qui à juste titre se sentent de plus en
plus « déclassées ».
Cette conjonction se fait dans les pays
arabes, sur les demandes de justice et de démocratie. Plus généralement elle se
fait sur une sorte de triptyque : justice, égalité, partage et accès aux biens
communs humains ; accès et refondation de la démocratie ; préservation et
développement humain durable pour la « planète-Terre ».
A y regarder de près, l’aspiration à
l’en-commun de tous les êtres humains contre le pouvoir absolu de l’argent,
appelle un basculement des « sociétés-monde » vers une civilisation supérieure,
ce que nous appelons le « communisme » authentique. Ce qu’il n’a jamais été
jusqu’ici, une organisation sociale de liberté, de respect de l’individu et du
partage. Ce que Jaurès appelait « la réalisation de l’humanité ».
De nombreux intellectuels de renom, des
chercheurs, travaillent aussi dans cette direction. Qu’il s’agisse de S.
Hessel, d’Edgar Morin ou encore de P. Rosanvallon, qui vient de publier un
livre enrichissant sur « la société des égaux », et bien d’autres encore.
C’est dans cette création commune, associant
le maximum de citoyennes et de citoyens pour une nouvelle humanité, que nous
défrichons les voies de ce changement indispensable. C’est à ce niveau que
devraient se placer les débats en vue des élections législatives et
présidentielles. Nous en sommes loin. Et pourtant, partout se sèment en ce
moment des graines d’espoir. Soyons-en !
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