Pour vaincre la pandémie, l’urgence d’une autre
logique économique par Denis Durand
Publié par Front de Gauche Pierre Bénite
Une crise financière et économique s’annonçait. Le coronavirus l’a
accélérée et a révélé qu’il s’agit d’une crise de civilisation.
La pandémie a disloqué les chaînes de production structurées par les
multinationales au cours des vingt dernières années, mis au grand jour la
suraccumulation consécutive au gonflement démesuré des capitaux relancé après
la« grande récession » de 2009, et précipité le krach financier.
Sentant la situation leur échapper, les dirigeants occidentaux font mine de
répudier le néolibéralisme. Les 27 gouvernements de l’UE ont suspendu les
normes européennes de déficits budgétaires. Mais ils envisagent de financer ces
dépenses, soit par le Mécanisme européen de solidarité qui ne les prête qu’en
contre partie de plans d’austérité meurtriers, soit par l’émission de
Coronavirus Bonds, des obligations « européennes » placées sur les marchés :ce
serait donner à la domination du capital financier le renfort d’un fédéralisme
européen, aux dépens des services publics, de l’emploi et des salaires !
Pourtant, le moyen de se passer des marchés financiers est sous nos yeux.
La Banque centrale européenne veut injecter 1 050 milliards sur les marchés
d’ici à la fin de l’année. Mais les services publics, l’industrie du
matériel médical verront-ils la couleur de cet argent ? En France, la loi de
finances rectificative se contente de faire allusion à une « réserve »
indigente de 2 milliards pour les dépenses de santé, alors qu’il en faudrait
immédiatement au moins cinq fois plus ! Une gifle aux professionnels de la
santé et aux salariés envoyés au front de la production pour préserver les
profits.
Bien plus, nos dirigeants saisissent l’occasion pour allonger la durée du
travail et pour préparer le terrain à une régression durable des droits
sociaux. De bons esprits annoncent déjà que, la crise passée, il faudra
redoubler d’austérité budgétaire pour éponger les déficits. En un mot, au
moment où la crise sanitaire fait éprouver à tous les habitants de la planète
le besoin immédiat d’une tout autre mondialisation, le mot d’ordre reste le
même : l’argent pour le profit, pas pour les êtres humains !
La domination du capital nous pousse au bord de la barbarie.C’est pourquoi
les mesures efficaces pour vaincre l’épidémie sont celles qui amorcent tout de
suite une remise en cause radicale des logiques inspirées par la rentabilité
financière, et leur remplacement par d’autres critères. Il faut :
·
Mobiliser les filières industrielles pour produire
médicaments et matériels médicaux, ainsi que les biens et services
indispensables à la population pendant la période de confinement. La protection
des travailleurs de ces secteurs contre le virus est la première priorité. Cet
effort doit être planifié et pouvoir passer par des réquisitions, des
nationalisations ou la création d’entreprises publiques. Il devrait s’appuyer
sur la mobilisation des moyens nécessaires à l’échelle européenne et intégrer
de nouveaux accords de coopération internationaux, de partage des technologies.
·
Rendre effectif l’arrêt temporaire de la
production dans les autres secteurs en en tirant les conséquences : interdire les
licenciements et maintenir 100 % du salaire, y compris pour les plus précaires,
première étape dans la construction progressive d’une sécurisation de l’emploi
et de la formation pour toutes et tous.
·
Obliger les banques, les grandes entreprises et les
propriétaires bailleurs à décaler le paiement, par les ménages qui le
demandent, des charges d’emprunts bancaires et des factures pré-engagées et
vitales (téléphonie, loyer, électricité...).
·
Mettre en place un dispositif de prêts bancaires de
trésorerie à taux nul ou négatif, refinancés par la BCE, strictement réservés aux
entreprises qui s’engageront à maintenir l’emploi et les salaires.
·
Démocratiser : en cas de non-respect des engagements pris par les
entreprises ou les banques, les représentants des salariés(CSE) doivent avoir
le pouvoir de saisir des comités régionaux de mobilisation constitués sous
l’égide des conseils régionaux et des CESER.
·
Créer un fonds d’urgence sanitaire et de
sécurisation pour le financement de ces différents dispositifs, alimenté par une
contribution des grandes entreprises, des banques et des compagnies
d’assurances, ainsi que par le rétablissement de l’impôt sur la fortune et
l’abrogation du plafonnement à 30 % de l’impôt sur les revenus financiers (flat
tax).
·
Mettre en place un programme de prêts à taux négatif
de la Caisse des dépôts pour les investissements dans les
hôpitaux et les services publics (embauches, formation, achats d’équipements,
création de nouveaux établissements). La Banque de France déclarerait ces prêts
éligibles au refinancement par la BCE au taux le plus faible pratiqué pour ses
opérations (actuellement, -0,75 %), et le dispositif pourrait être étendu à
l’ensemble des États membres de l’UE.
Nous pouvons vaincre l’épidémie : il faut pour cela s’attaquer tout de
suite à la domination du capital.
Denis Durand membre du CN
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