Il fait beau mais les ordonnances du gouvernement sont en train de
pleuvoir.
Peut-on être étonné qu’il profite de la crise pour se livrer à une nouvelle
attaque sociale ?
Pendant le confinement, il appelle à aller au travail. Il refuse d’agir
pour ne maintenir que les activités indispensables à passer le temps de crise
aiguë, en engageant une démarche avec les acteurs économiques et sociaux pour
les définir au plus près.
Il cherche à faire supporter la situation par les salariés : plutôt les
congés confinés que le chômage partiel, qu’il semble accorder au compte-goutte
alors que toute l’économie est impactée.
C’est pour cela qu’il donne prise aux employeurs sur les congés, les RTT et
les repos hebdomadaires.
Désormais, il pourra, sous réserve d’un accord de branche ou d’entreprise,
différer une semaine de vacances en prévenant le salarié un jour avant, imposer
le fractionnement, suspendre le droit à un congé simultané avec un conjoint…
Il pourra sans autre réserve que de ne pas excéder dix jours au total,
imposer ou modifier les RTT un jour avant, imposer la prise des jours du compte
épargne temps.
Deuxième volet, il élargit les possibilités d’augmenter le temps de travail
sans que ce soit discuté, justifié, contrôlé, sécurisé pour les secteurs
« jugés essentiels à la continuité de la vie économique et à la sûreté de
la Nation » (là, ils existent) (mais quels sont-ils ?).
Dans ce cadre, la durée maximale hebdomadaire est portée à 48 heures sur
douze semaines glissantes (au lieu de 44) et à 60 heures sur une seule semaine.
Des marges seront données pour le repos dominical et le temps de repos
entre deux journées de travail porté à 9 heures au lieu de 11 heures.
Auparavant, ces dérogations impliquaient une autorisation expresse.
Et pour couronner le tout, il ne s’en tient pas à l’urgence sanitaire. Ces
mesures sont inscrites dans la loi jusqu’au 31 décembre 2020. Le gouvernement
mixe le temps de l’urgence et le temps de la relance.
La relance a donc déjà commencé, au prix du risque sanitaire et elle se
poursuivra dans des conditions sociales dégradées qui n’ont jamais été
discutées.
Ce sont des mesures
drastiques qu’il faut prendre pour que le travail de ce temps de crise ne serve
pas les profits
Mais rassurons-nous, le gouvernement a suggéré aux entreprises d’y aller
mollo sur les dividendes dans la période… On croit rêver.
Ce sont des mesures drastiques qu’il faut prendre pour que le travail de ce
temps de crise ne serve pas les profits et pour que les dispositifs publics qui
peuvent s’avérer nécessaires n’alimentent pas la grosse caisse.
Pendant ce temps, la spéculation va bon train sur les marchés financiers…
C’est pourquoi, ce soir, je me suis adressé à Bruno Le Maire pour en savoir
plus sur les perspectives de nationalisations et prises de participations à
envisager pour faire face.
Je l’ai également interpelé pour connaître les initiatives européennes que
le gouvernement entend engager dans les plus brefs délais afin d’assurer une
coordination des mesures qui touchent la production et les échanges :
la force d’aucun travailleur et d’aucune travailleuse ne doit être utilisée
au mépris de sa santé ni mobilisée au-delà de ce qui est nécessaire en temps de
crise sanitaire (j’ai l’impression que, comme souvent, c’est pire dans la
sous-traitance, sujet sur lequel j’ai demandé aux autorités locales une
vigilance particulière).
Et l’Union européenne doit d’ores et déjà se préparer à protéger les
capacités de production, les savoir-faire, les emplois, les ressources au
moment de la relance.
Et dans la foulée, j’ai écrit à Elisabeth Borne, la ministre de la
transition écologique et solidaire, pour savoir ce qui est engagé pour maîtriser
les effets des événements sur la planète :
la relance devra être écologique. La crise dont nous devons affronter les
dégâts doit aussi être l’occasion d’accélérer un certain nombre de
transformations possibles et nécessaires.
Je suis également attentif à la situation de l’Hôpital et à celle dans les
EHPAD.
Le manque de matériel continue à se faire sentir de façon inacceptable.
Cela me renforce dans ma conviction concernant la création de nouveaux
outils publics pour le médicament et les dispositifs médicaux et nous essayons
en même temps d’avancer sur notre proposition de loi.
Tout le monde peut maintenant mesurer ça et là l’incurie du libéralisme qui
nous a conduit dans ce dénuement public insupportable.
Le sujet qui continue à agiter beaucoup de monde en ce moment, c’est le
recours au chômage partiel.
J’ai demandé des comptes aux autorités.
Je me suis adressé aujourd’hui aux nombreux artisans et commerçants qui
s’inquiètent et craignent de n’être pas reconnus éligibles au dispositif.
J’ai pu échanger avec un de nos agriculteurs suite à la décision de fermer
les marchés.
Nous avons besoin d’eux.
Franchement, les déclarations « à la one again » des membres du
gouvernement sur le sujet sont lamentables.
L’un qui suggère aux gens de sortir de leur confinement pour aller se
distraire en pratiquant le métier de paysan et l’autre qui le corrige avec une
formule méprisante pour les enseignants qui galèrent.
Faut arrêter de sucrer les fraises…
Je commence à écrire cette chronique de plus en plus tard et un peu plus
scotché sur le réel qui nous agrippe.
Une fois le raid de la journée un peu passé, lorsqu’il est vain de chercher
à joindre les uns, les unes ou les autres,
je me remets au boulot sur ce premier ouvrage sur les retraites et la
protection sociale (qui m’a fait décaler un autre projet sur le travail), et j’entrevois
par la fenêtre entrebâillée l’ampleur d’une idée folle, tellement folle qu’elle
a commencé à prendre réalité.
Nous l’avons appelée sécurité sociale. J’aime ce nom, et son diminutif,
sécu, qu’employait si souvent mon père qui en était l’un des agents.
Quelle invention !
Elle a trop été empêchée. Elle n’est pas une idée banale.
Elle porte en elle un mouvement profondément civilisant : elle mutualise
une part des richesses créées par le travail pour la rendre à l’humain, au soin
de l’humain, sa santé, sa retraite, ses enfants, son travail...
J’écris tout cela sur un coin de table et il faudrait y mettre des mots
plus justes.
Mais l’heure n’est plus à approfondir.
Je peux juste en profiter pour souhaiter qu’elle ne soit pas une victime
collatérale mais l’un de moteurs du monde d’après.
Deux journalistes m’ont interrogé aujourd’hui sur ce monde d’après, me
demandant comment je réagissais au pas de côté d’Emmanuel Macron, la semaine
dernière.
Je ne vais pas vous surprendre : aucune confiance.
Dans la crise s’aiguisent les contradictions.
Les profiteurs cherchent à en profiter et les dominants cherchent à asseoir
leur domination, mais grandissent aussi les consciences.
La crise éclaire le réel d’un autre jour.
Alors oui, nous pouvons penser que de ce moment sortira un autre monde,
mais à la condition impérieuse de s’en occuper.
J’ai une petite pensée pour Josette, dont je viens d’avoir la fille au
téléphone.
C’était une militante extra, pleine d’enthousiasme et d’humanité.
Je la rencontrais souvent en traversant à grandes enjambées le jardin de
Ferrières, où elle se retrouvait avec ses copines.
Je reçois des messages amicaux, comme chacune et chacun d’entre nous sans
doute, de copains qui demandent des nouvelles et me disent de prendre soin de
moi.
Prenez soin de vous.
Prenons soin de nous.
A demain.
Post Scriptum : Une pensée quand même aussi pour Uderzo, le dessinateur
talentueux d’Astérix, qui nous a quittés. Quel génie que cette création
partagée avec Goscinny, le tout sans potion magique… J’en profite pour glisser
là combien je reconnais en la bande dessinée un art noble, et je salue l’ami
martégal Yann Madé, enfermé avec ses feutres et sa planche à dessin.
PIERRE DHARRÉVILLE
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