Coronavirus : «Il n’y a pas à s’inquiéter de la facture», selon la Nobel d’économie
L’économiste Esther Duflo, prix Nobel d’économie 2019, a appelé mardi à ouvrir grand les vannes de la dépense publique pour restreindre les ravages économiques de la pandémie de coronavirus, estimant qu’il “n’y a absolument pas à s’inquiéter de la facture” face à la crise sanitaire.
Elle a aussi plaidé pour un système d’imposition “extrêmement progressif” , c’est-à-dire devenant plus lourd au fur et à mesure que les revenus s’élèvent, afin de financer les systèmes de santé, et de soutenir les ménages modestes. “Quand on a une grosse crise de demande comme aujourd’hui, il faut injecter des ressources dans l’économie”, ce qui suppose pour les gouvernements qui le peuvent “d’emprunter massivement et de stimuler l’économie autant que possible”, a insisté sur la radio France Inter Mme Duflo.
La professeure au prestigieux MIT (États-Unis) a estimé que “c’est vraiment le moment keynésien par excellence”, en référence à l’économiste anglais John Maynard Keynes qui avait prôné l’interventionnisme de l’État tous azimuts après la crise financière de 1929. “Il s’agit de savoir si on aura plutôt la crise de 2008 ou celle de 1929”, qui avait durablement plombé l’économie mondiale, et “la différence viendra de la volonté de dépenser beaucoup d’argent aujourd’hui, de manière juste”.
«Dépenser plus» maintenant, «cela fait économiser de l’argent»
Selon elle, “dépenser plus d’argent à la fois pour lutter contre le virus (…) et pour essayer de mitiger au maximum l’impact économique, cela fait économiser de l’argent en fait”. Faute de quoi, la crise risque de devenir “plus mortelle, et d’un point de vue strictement financier, plus grave”, avec un “effet boule de neige”, et dans ce cas “on passe d’une récession à une dépression, dont les ravages économiques sont beaucoup plus forts et plus longs”.
L’économiste, spécialiste de la pauvreté, encourage les pays du G20 à soutenir les pays moins développés, moins armés face à l’épidémie, et pointe les incertitudes sur la “sortie de crise”, notamment sur la vigueur de la reprise de la consommation, facteur qui déterminera “l’ampleur finale du désastre économique”.
Pour un système d’imposition «extrêmement progressif»
Esther Duflo a par ailleurs balayé les craintes sur l’endettement public : pour l’heure, les gouvernements “peuvent emprunter à taux extrêmement faibles” et “si on a beaucoup d’argent à dépenser, on a aussi beaucoup de temps pour rembourser”. “Il n’y a absolument pas à s’inquiéter de la facture pour l’instant, c’est le dernier de nos soucis”, insiste-t-elle, mettant en garde contre un retour prématuré à “une orthodoxie un peu frileuse” sur les déficits.
Pour Mme Duflo, la crise serait l’occasion d’encourager un système d’imposition “extrêmement progressif” dans les pays développés : “Comment financer à la fois les transferts aux plus pauvres, qui leur permettront de soutenir leur consommation, et les systèmes de santé qu’il va falloir reconstruire? Le financer par l’impôt sur les hauts revenus (…) semble le moyen le plus raisonnable et le plus réaliste”.
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