Publié le 07/11/2022
par PCF
Ne jamais oublier ceux qui sont morts pour que nous puissions vivre libres
(Fabien Roussel)
Hommage camp du Vernet
- samedi 29 octobre 2022
Madame la présidente
chère Carole, monsieur le Maire, mesdames et messieurs
Cela faisait longtemps
que je souhaitais me recueillir ici devant la tombe des prisonniers du Camp du
Vernet.
Cette commémoration
est importante pour ma famille politique mais aussi pour ma famille personnelle
car elle revêt pour moi un caractère particulier, à travers l’histoire de mon arrière-grand-père,
Salvador Lardiès, qui y a été interné durant trois longues années.
A travers lui, je
souhaite rendre hommage aujourd’hui à toutes celles et ceux qui ont été
internés ici, dans ce camp de concentration tenu par les Français et ouvert dès
le début 39 avant que ne débute la guerre.
Je souhaite aussi
rendre hommage à tous ces hommes, à toutes ces femmes, venus d’ailleurs pour
mille raisons et qui ont fini par construire leur vie ici, en France, dans
notre beau pays, façonnée par toutes ces migrations.
Nous sommes tous des
enfants issus de l’immigration.
Mais ici, nous
honorons l’histoire de ces hommes - des républicains espagnols, des militants
politiques, syndicaux - qui ont été internés pour leurs idées, par le
gouvernement d’extrême droite de Vichy, de Pétain.
Cette histoire, nous
ne devons jamais l’oublier.
Salvador Lardiès était
mon arrière-grand-père, espagnol, né, tout comme ma grand-mère, à Martes en
Aragon. Ma grand-mère, Maria, a 97 ans et vit toujours à Béthune.
Elle n’a rien oublié.
Elle n’a rien oublié
de la victoire du Front populaire en Espagne aux élections de février 1936, ni
du putsch militaire de droite et d’extrême droite dirigé par le général Franco.
Elle n’a pas oublié le
départ de son père, Salvador et son frère Saturnino, qui font le choix de
s’engager dans les forces républicaines, contre l’arrivée de Franco et des
phalangistes.
Et c’est l’honneur du
PCF d’avoir envoyé des milliers de brigadistes combattre le fascisme à leur
coté en Espagne. Hélas, faute de soutien, la chute de Barcelone en 39, dernier
bastion républicain, va provoquer en 15 jours l’exode d’un demi-million de
d’espagnols franchissant la frontière des Pyrénées dans le plus grand dénuement
pour échapper à la répression et aux bombardements.
Ils n’étaient pas au
bout de leur peine.
Ils seront escortés
jusque sur la plage d’Argelès-sur-mer où rien n'est prévu pour les accueillir
alors que l'hiver est là...
Les brigadistes et
combattants républicains seront enfermés dans des camps de concentration,
d’autres seront transférés dans des camps d’exterminations en Allemagne, ou au
titre du service du travail obligatoire ( STO) à l’initiative de Vichy.
Salvador, lui qui
avait su trouver refuge à Tarbes, sera enfermé pendant 3 ans au Camps du
Vernet.
3 ans. 3 ans d’enfer dans ce triste camp du Vernet, le camp de concentration le
plus répressif de France, bâti par le gouvernement de Pétain dès le début de 39
pour y interner les opposants à sa politique.
Sa fille, ma grand-mère,
à peine 15 ans, garde en elle l’image de son père, qu’elle observait au loin
derrière les barbelés, un père amaigri, malade, perdu.
Ils ont été au total
35 à 40 000 hommes, femmes, enfants, à vivre dans des baraques en planches,
souffrant de la faim, de la saleté, du froid, victimes de maladie et des coups
des gardiens.
Plus de 12 000
républicains espagnols y sont enfermés ainsi que des journalistes, des
intellectuels, des militants communistes français, bulgares, allemands,
autrichiens qui, dans toute l’Europe, résistent au nazisme. Près de 70
nationalités en tout.
Mais aussi des
centaines de juifs français arrêtés par la police de Vichy puis déportés à
Auschwitz dont 40 enfants âgés de 2 à 17 ans en février 42.
L’écrivain hongrois
Arthur Koestler, détenu quelques mois au camp de Vernet, écrit à l’époque que
les exilés, les persécutés, les traqués de l’Europe en raison de leur
nationalité ou de leur croyance, y ont été considérés comme « la lie de la
terre », ce qui deviendra le titre de son livre.
Pour l’extrême droite
française, qui domine alors le pays, il fallait enfermer ces étrangers qui
croyaient à la liberté.
Une partie de la presse relaie ses idées.
Un journal de l’époque
titre ainsi son édito en 1939:
« La canaille
espagnole ».
Et d’expliquer, je
cite : « Que la France ait accueilli les réfugiés espagnols, rien de plus
naturel.
Nous avons des
traditions d’hospitalité auxquelles nous voulons rester fidèles.
Mais il y a des bornes
à cette charité.
Il eût fallu fermer
nos frontières à toute cette pègre, à toute cette canaille qui déshonore
l’humanité et qui s’est abattue sur la région comme une horde de barbares ».
70 ans plus tard, les
mêmes mots résonnent encore.
Ce climat politique
nauséabond, malfaisant empeste toute l’Europe et la France.
Comme avec ce crime
odieux qui devient une affaire nationale tant les partis d’extrême droite et
quelques animateurs TV s’en emparent pour tirer un trait d’égalité entre
immigré et meurtrier, ou pour exiger encore une justice expéditive, sans
avocat.
Oui, le racisme,
l’antisémitisme servent encore de ressorts à des forces politiques pour
conquérir le pouvoir.
C’est pourquoi, je le redis ici:
jamais, nulle part, à
aucun moment, nous, les communistes, ne mêlerons nos voix, nos suffrages aux
leurs et ce pour quoique ce soit.
Jamais nous ne seront
complices de leur crime.
Il est important, justement, de montrer aux Français les valeurs et les
différences qui séparent la gauche et le camp républicain de l’extrême droite,
de rappeler que nous sommes les enfants de celles et ceux qui ont été martyrisés
par l’extrême droite.
Oui nous serons
toujours aux côtés de celles et ceux qui fuient leur pays, car ils ne le font
jamais de gaité de coeur.
Ils ont besoin de
notre solidarité, de la solidarité de tous les pays d’Europe car nous appartenons
à la même humanité.
Mon arrière-grand-père, lui, a été libéré en décembre 1942 pour être envoyé
comme STO sur des chantiers allemands dans le Nord.
Il meurt en janvier
1949 à Wargnies-le-Grand d’une tuberculose attrapée ici, dans le camp du
Vernet.
Chers amis, monsieur
le maire, madame la présidente, chère Carole
Je sais que nous
partageons ce combat républicain.
Et je sais
qu’ensemble, nous continuerons de tenir ces digues pourtant fragiles qui
protègent encore notre pays.
Nous ne devons jamais
oublier ce que la France a vécu.
Nous ne devons jamais
oublier ceux qui sont morts pour que nous puissions vivre libres
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