Les sénateurs communistes veulent créer un pôle public
du médicament :
un enjeu de « souveraineté »
Laurence Cohen, sénatrice communiste veut créer un pôle public du
médicament
Alors que le
nombre de ruptures de stocks de médicaments ne cesse d’augmenter en France, le
groupe communiste du Sénat dépose une proposition de loi visant à créer un pôle
public du médicament. Un outil pour que la France retrouve la maîtrise de la
production, de la fabrication des médicaments.
LE 02 DÉC 2020
Par Simon Barbarit@SimonBarbarit
« C’est
pour nous une proposition de loi qui est extrêmement importante, que nous avons
d’ailleurs portée depuis longtemps.
Elle
trouve toute son acuité avec la pandémie de la Covid qui a révélé des pénuries
de médicaments extrêmement importantes » a résumé Laurence Cohen,
vice-présidente communiste de la commission des affaires sociales, lors d’une conférence
de presse, ce mercredi.
Le
texte vise à créer « un pôle public du médicament et des produits
médicaux ». Une proposition que les élus communistes du Sénat portent
depuis une quinzaine d’années.
« L’Etat
n’a absolument pas la maîtrise de la production, de la fabrication des
médicaments. Dans ces conditions il faut absolument pouvoir envisager un
outil » estime la sénatrice CRCE (Communiste, Républicain, Citoyen et
Écologiste) du Val de Marne.
« La
majorité des productions se fait en dehors du territoire national »
Cette
nouvelle structure n’émergerait pas de nulle part, mais s’appuierait sur les
pharmacies centrales des armées et de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris,
et la réquisition des laboratoires privés du médicament.
De
même, son financement serait assuré par une taxe de 1 % sur le chiffre
d’affaires des entreprises pharmaceutiques.
« On
constate également que les grands laboratoires pharmaceutiques profitent d’une
recherche qui est financée sur fonds publics et ensuite commercialisent un
produit qui va être remboursé en France par la protection sociale donc ils sont
gagnants sur tous les tableaux […] ils arrivent à engranger des profits
gigantesques qu’ils reversent à leurs actionnaires mais pas du tout pour
améliorer la recherche […]
La majorité
des productions se fait en dehors du territoire national. Donc, cet outil est
pour que la France retrouve sa souveraineté » développe la sénatrice.
Médicaments
d’intérêt thérapeutique majeur
La
crise sanitaire a accentué la situation de dépendance de la France dans
l’approvisionnement des médicaments. L’Agence nationale du médicament prévoit
qu’en 2020, ce sont 2 400 ruptures qui seront constatées, soit six fois plus
qu’en 2016.
Le pôle
public du médicament n’a, toutefois, pas pour vocation de produire
l’intégralité des médicaments disponibles sur le marché en France. « Ce ne
serait pas crédible dans l’état actuel des choses […]4
Ce que
pourrait produire le pôle public c’est un certain nombre de médicaments qui
sont en rupture volontaire ou non » précise Laurence Cohen évoquant les
médicaments d’intérêt thérapeutiques majeurs.
En
avril dernier, l’ancien Premier ministre, Édouard Philippe avait souligné les
« tensions très fortes » autour de l’approvisionnement de médicaments
à base de curare utilisés pour l’intubation des patients en
réanimation.
Auditionnée
par la commission d’enquête du Sénat sur la gestion de l’épidémie de Covid 19,
la ligue contre le cancer avait demandé une sanctuarisation « des
médicaments d’intérêt thérapeutique majeur ».
Une
demande qui n’a pas été suivie d’effet. En novembre dernier, lors de l’examen
du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), le Sénat avait
adopté, contre l’avis du gouvernement et contre l’avis de la commission des
affaires sociales, un amendement du sénateur PS,
Bernard Jomier visant à imposer une durée légale minimum de stockage de quatre
mois pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur.
Un
amendement supprimé en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.
« J’aurais
souhaité que la gauche se rassemble dans un avis favorable à ce pôle public du
médicament »
Lors de
la conférence de presse, les élus communistes n’ont pas caché leurs inquiétudes
quant au sort de leur proposition de loi en examen en séance publique le
9 décembre.
En
commission des affaires sociales, seul le groupe écologiste a voté pour.
Le
groupe PS s’est abstenu. « Je regrette qu’à gauche, on puisse s’abstenir
[…]
J’aurais
souhaité que la gauche se rassemble dans un avis favorable à ce pôle public du
médicament.
A un
moment donné, il faut faire preuve de créativité, d’audace. Il y avait la
possibilité d’envoyer un signal fort.
C’est
bien dommage, surtout quand on a des ambitions politiques » a regretté
Pascal Savoldelli sénateur du Val-de-Marne.
Parmi
les arguments invoqués pour contester le bien-fondé de cette proposition de
loi : le périmètre.
Certains,
à la commission des affaires sociales, préconisent un pôle du médicament au
niveau européen.
C’est
également ce qu’appellent de leurs vœux les sénateurs CRCE. « Ce pôle
public, c’est un appel pour aller vers quelque chose de beaucoup plus
conséquent, vers un projet de loi complet […]
Si nous
ne votons pas cette proposition de loi, ça n’ira pas plus loin » pressent
Cathy Apourceau-Poly sénatrice du Pas-de-Calais.
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