Un 1er mai des convergences
!
La fête internationale des travailleurs
peut être l’occasion pour celles et ceux qui sont dans l’action depuis des mois
comme pour celles et ceux qui n’ont pu s’y joindre de se retrouver et de se
faire entendre ; un moment privilégié pour notre société en ébullition de
soulever le couvercle que veut imposer le pouvoir par la force policière comme
par l’autoritarisme présidentiel. Cette stratégie dangereuse ne saurait faire
oublier la casse des services publics, le délitement des solidarités, le
chômage et la précarité qui cheminent au quotidien, et encore moins faire taire
une jeunesse qui ne réclame pas la lune en demandant plus de places dans les
universités pour y être accueillie dignement.
Le glissement sémantique du gouvernement
est significatif. Face aux mouvements sociaux, le pouvoir n’en appelle plus à
la défense de « l’état de droit » mais à « l’ordre
républicain ». Aussi entend-on qu’il ne s’agit plus de régler les conflits
par le droit, la démocratie, le dialogue, mais par la troupe déployée de manifestations
en universités, à la manière d’un Clémenceau. Voilà une nouveauté qui devrait
autant interroger qu’inquiéter. Le Président de l’Assemblée Nationale s’est
même autorisé une remise en cause inédite du droit de grève dans la fonction
publique… La droite jubile de tant de « fermeté » qui permet
d’empêcher tout débat sur les grandes questions qui taraudent en profondeur nos
concitoyens.
Deux grandes options s’opposent et
s’affinent sous nos yeux. L’une consiste dans les libéralisations et
l’intensification de la concurrence pour donner aux milieux financiers et
industriels transnationaux de nouveaux espaces de rentabilisation. C’est ainsi
qu’il faut comprendre le projet d’ouverture du capital de la SNCF, combiné avec
l’offrande de nos rails aux sociétés privées. L’autre consiste à développer une
appropriation sociale et démocratique, adaptée aux besoins d’aujourd’hui pour
des services publics bénéficiant des investissements à la hauteur des enjeux
sociaux, environnementaux, agricoles ou de formation. La première est portée
par le pouvoir en osmose avec des institutions européennes acquises à la
promotion des intérêt du capital financier. La seconde est défendue par les
travailleurs en lutte et le mouvement social, une large frange du mouvement associatif,
des créateurs. L’une défend l’ordre inégalitaire de l’ultralibéralisme, l’autre
l’intérêt général. Cette opposition s’aiguise depuis plusieurs années. Elle
s’est accélérée avec la loi Travail de M. Valls après le CICE et autres cadeaux
fiscaux et sociaux aux grandes entreprises pendant le précèdent quinquennat. Ce
dernier reposait sur les mêmes présupposés et la même ambition de porter
atteinte aux soubassements d’un modèle social qui conditionne l’efficacité
économique à la protection sociale et à un droit du travail élevé.
Le ton goguenard du pouvoir et des
médias dominants à l’égard du mouvement étudiant témoigne d’une cécité
volontaire qui confine au mépris vis à vis d’une jeunesse populaire dépossédée
de la possibilité même de définir son propre avenir. A travers la sélection
socialement déterminée du système Parcoursup, le pouvoir ne dit pas autre chose
que son incapacité à répondre au formidable défi de la démocratisation de
l’enseignement supérieur. Toute une classe d’âge pourrait pourtant accéder à
une formation élevée et l’université devenir un modèle de creuset social qui
tirerait l’ensemble de la société vers le haut au lieu d’être le sas d’entrée
d’un « marché » du travail répondant aux objectifs étriqués d’un
grand patronat de plus en plus indexé sur les rendements financiers. C’est bien
ce monde sans âme que refuse massivement la jeunesse. Traiter ses aspirations
par la condescendance ou, pire, par le déploiement de gendarmes mobiles,
témoigne d’un autoritarisme aveugle qui pourrait se retourner contre le
gouvernement plus vite qu’il ne le croit. Surtout quand il s’additionne au
mépris affiché vis à vis des cheminots confrontés aux fins de non-recevoir
gouvernementales dont celle du Premier Ministre. Ce refus de négocier le
moindre point d’un projet aussi déterminant pour l’avenir du pays, qui
redéfinit en profondeur la place du rail pour la vie des territoires et
l’environnement et, qui plus est, n’a jamais été présenté au suffrage des
électeurs, est le symptôme de cette « a-démocratie » confiscatoire de
la parole populaire qui définit si bien les gouvernements néolibéraux.
L’effervescence
sociale des derniers mois doit trouver un prolongement retentissant ce 1er mai
qui, en tout état de cause, ne ressemblera pas aux autres. La
manifestation des forces syndicales doit être le point d’appui d’une
contre-offensive pour imposer au gouvernement une feuille de route sociale sur
la modernisation et le développement des services publics, la grande question
salariale qui figure au centre des débats de nos voisins allemands, le rôle et
l’utilisation de l’argent qui irrigue les secteurs spéculatifs au détriment de
nos universités, de nos services publics, de nos territoires et de l’emploi,
notamment dans les secteurs industriels. A chacun de nous de faire de ce 1er mai
un puissant relais des luttes en cours, une étape vers un rassemblement encore
plus large, unitaire et déterminé pour sortir de ce système du règne de
l’argent-roi.