Un pacte
d’avenir avec tous les agriculteurs de notre pays
15
propositions pour répondre à la crise agricole
L’agriculture
européenne et française doit nourrir près de 450 millions d’habitants de
l’Union européenne et 68 millions de Français. Mais le modèle agricole actuel
est en échec : il ne permet ni de garantir un revenu décent aux
agriculteurs, ni d’assurer la souveraineté alimentaire de la France, ni de
répondre au défi écologique !
Le constat est simple et
accablant : les agriculteurs et agricultrices travaillent pour nous
nourrir, mais nombre d’entre eux n’arrivent plus à vivre de leur travail !
Les revenus agricoles sont très bas, autour de 1 100 euros en moyenne nationale,
mais avec des disparités très fortes en fonction des productions et des
structures. 10 % des éleveurs gagnent moins de 800 euros par mois et
25 % sont sous le seuil de pauvreté. 20 % des agriculteurs ne
dégagent quasiment aucun revenu. Rappelons que pour obtenir des revenus aussi
faibles, leur temps de travail dépasse souvent 50 à 60 heures par semaine.
Un problème est au cœur de cette
situation : les prix. Si les lois Egalim ont permis davantage de
transparence sur les coûts de production, elles n’ont pas permis d’en finir
avec les marges scandaleuses de l’industrie agro-alimentaire et de la grande
distribution.
Dans ce contexte, il est clair
que la suppression de la détaxe sur le gazole non routier, la hausse du coût de
l’énergie qui touche les agriculteurs comme tous les Français et nombre de
mesures de la loi de finances 2024 que nous avons combattue au Parlement, ne
feront qu’aggraver la crise. Au-delà du recul du gouvernement sur le GNR, il
faut annuler toutes les mesures qui rendent la vie toujours plus chère.
Hors l’enjeu des prix et des
charges qui pèsent sur le monde agricole, c’est l’ensemble du modèle
néolibéral, où le libre-échange règne en maître, qui affaiblit l’agriculture
française et détruit l’environnement. Il est d’autant plus urgent de changer de
politique que la moitié des exploitations devront être transmises d’ici 10 ans,
pour cause de départs en retraite. Si rien n’est fait, elles ne trouveront pas
preneur.
Les politiques de l’Union
européenne ne protègent pas notre agriculture. Au contraire, elles aggravent la
situation, tant par la frénésie du libre-échange que par une Politique agricole
commune (PAC) qui encourage la course au gigantisme des exploitations et la
spécialisation des producteurs comme des régions agricoles, sans se soucier de
garantir des prix rémunérateurs aux agriculteurs, de préserver la biodiversité
et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
L’heure est à un Grenelle de
l’agriculture pour construire un pacte d’avenir avec tous les agriculteurs de
notre pays, en les associant directement aux grandes décisions et à la gestion
de nouveaux outils d’intervention.
Nos 15 propositions
Nous commencerons par revenir sur
l’ensemble des mesures de la loi de finances 2024 qui rendent la vie toujours
plus chère : maintien de la détaxe sur le gazole non routier, suppression
de la hausse des tarifs de l’énergie et des franchises médicales...
Garantir un travail rémunérateur et une
pension digne aux agriculteurs et agricultrices
1.
Instaurer des offices publics qui, production par production, seront chargés
d’établir un prix plancher, soit un prix minimum versé au producteur. Mettre en
place des conférences permanentes territoriales associant la profession
agricole, les filières, les pouvoirs publics et la société civile qui
permettront la fixation démocratique d’un prix d’objectif, couvrant les coûts
de production des agriculteurs. Instaurer un coefficient multiplicateur entre
prix d’achat aux producteurs et prix de vente aux consommateurs pour encadrer
les marges de la grande distribution.
2. Mettre
en place un régime public agricole d’assurance et de gestion des risques
climatiques, sanitaires et environnementaux, géré par les acteurs de
l’agriculture et l’État et non pas par le secteur assurantiel et bancaire
privé.
3. Porter
toutes les retraites agricoles à un minimum de 85 % du Smic dans un
premier temps puis au niveau du Smic.
Protéger nos agriculteurs face à l’ouverture
des marchés agricoles
4. Remettre
en cause les traités de libre-échange et porter de nouveaux accords de
coopération agricole, pour en finir avec les importations de produits
alimentaires provenant de pays qui ne respectent pas les mêmes normes
sanitaires et environnementales que celles exigées à nos producteurs. Convoquer
également en urgence une conférence européenne sur les conséquences agricoles
et alimentaires de la guerre en Ukraine.
5.
Garantir la traçabilité par l’étiquetage de l’origine pour tous les produits
agricoles en imposant l’obligation de la mention d’origine des produits
alimentaires pour tous les produits bruts ou transformés. C’est une exigence
indispensable pour défaire l’opacité qui règne dans les échanges et une demande
très forte des consommateurs comme des producteurs européens, notamment
vis-à-vis des productions extracommunautaires importées.
6. Activer
systématiquement les clauses de sauvegarde dès qu’une production française fait
face à une distorsion de concurrence en matière sanitaire ou environnementale,
et exiger le respect de la réciprocité des normes pour tous les produits
entrant sur le marché français.
7. Définir
des calendriers d’importation pour protéger les productions françaises en
fonction de leur saisonnalité et leur arrivée sur le marché face à des
productions importées moins-disantes.
8. Créer
une police de la sécurité alimentaire européenne dotée de vrais moyens de
contrôle aux frontières, comme à l’intérieur de l’Union européenne, pour un
contrôle large et réel de la qualité des produits agricoles commercialisés.
Renforcer significativement, dans le même temps, les services publics nationaux
de contrôle que sont la Douane et la Direction générale de la concurrence, de
la consommation et de la répression des fraudeurs (DGCCRF), tout
particulièrement en nombre d’agents.
Développer l’agriculture française pour
manger sain et à sa faim : objectif 500 000 agriculteurs en
2030 !
9. Doubler
les fonds de la dotation d’installation des jeunes agriculteurs avec une
attribution tenant compte des critères d’emploi sur l’exploitation,
d’éco-conditionnalité et de durabilité avec l’objectif de permettre plus d’une
installation pour un départ. Lancer un grand plan de relance de l’enseignement
agricole public et de valorisation des apports de la recherche agronomique
jusqu’à l’exploitation, en portant à la fois un soutien spécifique à la
formation initiale mais aussi un véritable droit à la formation continue tout
au long de la vie professionnelle.
10. Assurer
une répartition des aides de la PAC selon d’autres critères permettant
d’assurer le maintien et le développement des exploitations familiales et de
petite taille : plafonnement et dégressivité des aides en soutenant
prioritairement les premiers hectares et en les couplant avec les premiers
volumes de production.
11. Créer
un fonds alimentaire national doté de 10 milliards d’euros annuels, alimenté
par l’État et par une contribution spécifique sur les revenus financiers de
l’agroalimentaire, de l’agrofourniture et de la grande distribution, pour
développer une restauration scolaire et collective avec des productions locales
et de qualité à un prix accessible à toutes et tous.
12. Changer
le rôle des banques et réorienter le crédit bancaire qui étrangle les
exploitants agricoles et les pousse au surinvestissement et au productivisme,
avec :
- un grand plan d’installation
des jeunes agriculteurs, assorti de prêts à taux négatif sur des critères
écologiques et sociaux, refinancés par la Banque centrale européenne ;
- une renégociation des dettes,
jusqu’à certaines annulations, conditionnée là encore au respect de critères
sociaux et écologiques ;
- une aide à la transformation
agro écologique (dont la mise à niveau aux normes environnementales) avec des
prêts à taux négatifs, financés par un fonds public de bonification,
privilégiant le secteur mutualiste, refinancé par la BCE, sous condition d’engagements
écologiques et sociaux précis, suivis en lien avec les conférences permanentes.
Engager vraiment la transformation agro
écologique
13.
Soutenir l’élevage herbager au moyen d’une aide couplée spécifique. Les
prairies permanentes contribuent en effet au stockage du carbone et abritent
une riche biodiversité.
14.
Soutenir toutes les pratiques permettant d’améliorer la fertilité et de stocker
du carbone dans les sols : polyculture-élevage ; mise en place de
couverts végétaux intermédiaires ; agroforesterie…
15.
Reconstruire un plan de sortie efficace des usages des pesticides de synthèse
et de réduction de notre dépendance aux intrants, sur la base d’un
accompagnement systématique de l’ensemble des agriculteurs (intégration des
surcoûts économiques et des besoins en travail supplémentaire dans la
définition des coûts de production et des prix d’achat, soutien de long terme à
la déspécialisation agricole à l’échelle des exploitations comme des régions
agricoles).
Article publié dans CommunisteS,
n°982, 7 février 2024.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire