Pour un véritable blocage des prix alimentaires
Par Eric Bocquet / 2 mars 2023
Dès le mois de décembre 2020, les prix de l’énergie ont massivement augmenté :
+ 41 % pour le gaz entre décembre 2020 et octobre 2021,
+ 21 % pour le carburant,
+v4 % pour l’électricité.
La tendance s’est confirmée en 2022,
l’envolée des prix de l’énergie nous ayant entraînés dans une spirale
inflationniste jusqu’à atteindre des niveaux jamais vus depuis les années 1980.
En janvier 2023, les prix de l’énergie ont ainsi crû de 16,3 % en
glissement annuel, tandis que ceux de l’alimentation ont connu une hausse de
13,3 %. Concrètement, pour les ménages, cela se traduit par +20 % pour les
pâtes, +29 % pour le steak haché, +34 % pour les légumes frais et, chacun s’en
souvient, jusqu’à +120 % pour l’huile de tournesol ! Le passage en caisse
devient une épreuve…
Pour beaucoup, il faut choisir : manger, se chauffer ou se déplacer. En
effet, plus de 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, dont
un enfant sur cinq, et 7 millions se trouvent dans une situation de précarité
alimentaire et doivent recourir à l’aide alimentaire. La fréquentation des
Restos du cœur a ainsi augmenté de 12 % en 6 mois, nous conduisant à une
situation inédite.
Le 6 octobre 2021, six mois avant le début du conflit russo-ukrainien, le
journal Les Échos s’inquiétait sur ces « traders pris dans la folie spéculative
du prix du gaz ». Et pour cause : en un mois, l’activité sur les options,
c’est-à-dire les produits dérivés spéculatifs sur la matière première, avait
bondi de 158 %.
Dans la même veine, si l’invasion de l’Ukraine par la Russie a bouleversé
les chaînes de distribution, certaines entreprises, profitant de leur position
dominante sur les marchés, ont spéculé sur les prix des denrées alimentaires ou
ont augmenté leurs marges.
Mais tout cela n’est pas nouveau. Cela fait près de trois ans que nous vous
alertons et que les associations vous alertent sur la paupérisation croissante
d’une part toujours plus importante de la population.
Même son de cloche du côté des PME : pour les entreprises du secteur
agroalimentaire, les coûts ont augmenté, par rapport à 2021, de 29 % pour les
matières premières agricoles, de 26 % pour les emballages carton et plastique
et de57 % pour l’énergie.
Et ce n’est pas fini : en 2023, la facture d’électricité et de gaz va être
multipliée par trois par rapport à 2022 et par cinq par rapport à 2021, voire
davantage.
En ce sens, ce débat d’actualité n’en est pas vraiment un. Ce dont nous
avons besoin, c’est d’un bilan des mesures prises par le Gouvernement pour
tenter d’enrayer l’inflation, la spéculation et la perte de pouvoir d’achat.
Où est le chèque alimentaire promis dès 2020 par le Président de la
République ? Comment expliquer que 50 % des personnes ayant droit à l’indemnité
carburant d’un montant de 100 euros ne la demandent pas ? Idem pour le chèque
énergie.
Par ailleurs, le bouclier tarifaire exclut de
nombreuses entreprises qui, en raison des équipements nécessaires à leur
activité, possèdent un compteur électrique dont la puissance excède 36 kilowattheures.
L’amortisseur énergie se révèle également insuffisant au regard de l’explosion
cumulée des prix des matières premières et des produits énergétiques. En outre,
la complexité des différents dispositifs ne permet pas aux bénéficiaires de
s’en saisir massivement.
Alors oui, comme le soulignent de nombreux observateurs, le prix des biens
de première nécessité a moins augmenté en France que dans d’autres pays, mais
il l’a tout de même fait dans des proportions sensibles. Alors que de nombreux
États ont mis en place des mesures de revalorisation des salaires, vous avez
préféré des mesures ponctuelles, sans portée générale. Vous continuez de
ménager le capital au détriment du travail. Pourtant, la relégation de la
question des salaires en marge du débat politique explique, pour l’essentiel,
la baisse de la qualité de vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens.
Ainsi, la France est, selon l’OCDE, le pays qui a subi la plus forte baisse
des revenus réels au deuxième trimestre 2022, là où la majorité des autres pays
ont progressé. Et, paradoxalement, alors que les dividendes battent chaque jour
des records, notre pays connaît une hausse de la pauvreté « inédite depuis de
très nombreuses années », selon les mots d’Olivier De Schutter, rapporteur
spécial des Nations unies.
Manger à sa
faim, se chauffer, se soigner, cela devrait constituer un droit fondamental et
une priorité politique. C’est la pauvreté qu’il vous faudrait combattre, par un
véritable blocage des prix alimentaires, par une augmentation des salaires et
des minima sociaux, par un tarif réglementé du gaz et de l’électricité pour
tous et par la sortie du marché européen de l’énergie ; autant de mesures que
nous portons dans cet hémicycle de manière constante.
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