samedi 15 mai 2021

 

 


Publié le 11/05/2021 par PCF

Jérusalem : Exigeons des sanctions ! (Fabien Roussel)

Je dénonce la réponse honteuse du ministre Jean-Baptiste Lemoyne faite à ma collègue Elsa Faucillon lors de sa question au gouvernement aujourd’hui. Dans sa réponse, le gouvernement renvoie dos à dos la politique de colonisation de l'Etat israélien et l’appel de l’autorité palestinienne, à faire respecter toutes les résolutions de l'ONU.

Pourtant, les violences contre les Palestiniens de Jérusalem ont culminé ce lundi 10 mai. La répression policière israélienne des manifestants de l'Esplanade des Mosquées a fait, selon le Croissant rouge palestinien, plus de 305 blessé.es.

A Gaza, plus de 20 personnes - dont plusieurs enfants - ont succombé sous les bombes israéliennes.

Déjà vendredi, sur l’Esplanade des mosquées, mais aussi dans la Mosquée Al Aqsa, lors de la prière à laquelle participaient 70 000 fidèles, l’armée israélienne — armée d’occupation de Jérusalem-Est depuis 54 ans, au mépris de toutes les résolutions des Nations unies —, est intervenue tirant à balles métalliques enrobées de caoutchouc, utilisant des gaz lacrymogènes.178 personnes ont été blessées dont 88 grièvement.

Les Palestiniens sont confrontés à un déferlement de violence de l’armée israélienne, allant jusqu'à envahir la mosquée.

 Dans le quartier de Sheikh Jarrah, comme dans tout Jérusalem-Est, des familles palestiniennes sont, de nouveau, menacées d’expulsion par les colons israéliens et militants d’extrême droite soutenus par le système judiciaire israélien. Même si la décision d’expulsion a été reportée au 15 juin, la résistance non violente des Palestiniens s’est organisée et la police israélienne a bouclé le quartier.

Cette violence est le résultat à la décision du pouvoir israélien, au mépris du droit international, d’annexer Jérusalem-Est et d’en éliminer toute présence palestinienne, dans le même temps qu’il s’emploie à coloniser définitivement la Cisjordanie.

 La communauté internationale a condamné cette annexion mais n’a pas accompagné cette condamnation de sanctions, ce qui conforte le sentiment d’impunité de ceux qui, en Israël, n’hésitent pas à crier « Mort aux Arabes » et de ceux qui, depuis 1967, le pensent tout bas, en prétendant annexer Jérusalem-Est.

 

Le Conseil de sécurité de l'ONU n'est pas parvenu, ce lundi, à s'accorder pour condamner le gouvernement israélien. Et pourtant une décision d'urgence portée par la France et l’Union européenne est nécessaire pour apporter une protection internationale au peuple palestinien mais aussi imposer des sanctions au gouvernement israélien et dans l'immédiat, faire respecter les droits des Palestiniens à la sécurité dans leur vie quotidienne. 

Une fois de plus, la preuve tragique est apportée que seule une solution conforme aux résolutions des Nations unies peut créer une paix durable avec la création, aux côtés d’Israël, d’un Etat palestinien sur les territoires occupés de Cisjordanie et Gaza, avec Jérusalem-Est pour capitale.

 Le PCF appelle tous les communistes à participer aux rassemblements dans leurs villes et à Paris ce mercredi 12 mai de 16h à 18h devant le Ministère des Affaires étrangères, à l’appel du Collectif national pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens.

 Fabien Roussel, député du Nord, secrétaire national du PCF

 Paris, le 11 mai 2021.

 


 

Saisissez le Conseil de sécurité et suspendez l’accord d’association avec Israël !

Jérusalem-Est -

 Par Pierre Laurent  / 12 mai 2021

Monsieur le ministre des affaires étrangères, nous sommes des millions à être indignés par les images et les témoignages qui nous parviennent de Jérusalem : ratonnades, expropriations forcées de familles palestiniennes par des colons d’extrême-droite, heurts ultra-violents et tirs meurtriers de l’armée israélienne sur l’esplanade et dans la mosquée Al-Aqsa, et maintenant bombardements de la bande de Gaza. Il y a déjà des dizaines de morts, des centaines de blessés.

Ce qui est à l’œuvre, c’est la colonisation systématique et illégale de Jérusalem-Est par le pouvoir extrémiste de Netanyahou, par une armée d’occupation, et par des colons fanatisés.

L’ONU a rappelé que le déplacement forcé de civils par la puissance occupante était illégal au regard du droit international, et « pouvait s’apparenter à des crimes de guerre ». La procureure de la Cour pénale internationale parle de « fondement raisonnable » de crimes de guerre.

Monsieur le ministre, que fait la France ? Notre voix, hier en première ligne, s’est éteinte au fil des ans. Vous avez enterré la résolution du Parlement pour la reconnaissance de l’État de Palestine. La démission internationale et la nôtre encouragent l’escalade meurtrière et colonisatrice de Netanyahou.

Qu’attendez-vous pour réagir à ces violations graves et permanentes du droit international, à ces crimes de guerre établis et répétés, autrement que par des mots creux et par d’indignes renvois dos à dos du pouvoir criminel de Netanyahou et des victimes palestiniennes spoliées de leur droit à un État ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. Loïc Hervé. Et rien sur les civils israéliens ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie. Monsieur le sénateur Laurent, l’émotion est bien compréhensible, car nous avons tous ces images en tête. Toutefois, permettez-moi de dire qu’elle n’est pas à géométrie variable : nos pensées vont tout autant aux enfants qui sont morts à Gaza qu’aux civils israéliens qui ont été tués. (M. François Patriat applaudit.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. La diplomatie à l’œuvre n’est ni de mots ni d’émotion. Elle doit sans relâche rechercher, avec constance et ténacité, les paramètres d’une paix durable. Par conséquent, la position que nous défendons est très claire : l’escalade en cours est très préoccupante. Le secrétaire général des Nations unies s’est exprimé, ce matin, dans les mêmes termes. La France l’a également fait, sans ambiguïté.

Nous avons rappelé notre ferme opposition à la colonisation, aux démolitions de structures palestiniennes, aux évictions qui ont été perpétrées dans le quartier palestinien de Cheikh Jarrah, notamment. Ces dernières sont illégales au regard du droit international, qui est très clair sur ce point. Elles sont un obstacle majeur à la paix.

Mme Éliane Assassi. Il faut agir !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Cependant, nous condamnons également très fermement les tirs de roquettes…

Mme Laurence Cohen. C’est sans commune mesure !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. … qui, cette nuit encore, ont fait plusieurs victimes, ce qui est inacceptable…

Mme Éliane Assassi. Chaque mort est inacceptable !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Ils doivent donc cesser immédiatement.

Que montrent toutes ces violences, sinon la nécessité d’un processus politique crédible ? Force est de constater que, quelle que soit la partie concernée, la situation politique n’est pas stabilisée, ce qui ne favorise pas l’aboutissement d’une solution politique.

Toutefois, la France ne renoncera pas. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Le Conseil de sécurité des Nations unies se réunit de nouveau aujourd’hui, après la réunion de lundi dernier. Nous porterons d’une voix forte la nécessité d’un processus politique crédible. La France se mobilise aussi aux côtés de partenaires de bonne volonté comme la Jordanie, l’Allemagne ou l’Égypte, dans le cadre d’échanges dont le format a été mis en place par Jean-Yves Le Drian.

La tâche est ardue, voire aride, mais nous ne renonçons pas à participer à l’élaboration d’une solution politique. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour la réplique.

M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre, je vous le dis solennellement, votre parole est indigne des responsabilités qui incombent à la France face à une situation d’une telle gravité. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Vous ne pouvez pas renvoyer à un « dos à dos » que vous pratiquez comme une fuite en avant de nos responsabilités. Ce qui est en jeu, c’est Jérusalem-Est ! Vous savez très bien que c’est là le cœur de la crise.

Si vous n’agissez pas, il ne se passera rien. Sans sanction, Netanyahu ne bougera pas. Il se moque de la loi et du droit international, vous le savez parfaitement. Il se moque même de la justice israélienne,…

M. le président. Veuillez conclure.

M. Pierre Laurent. … il faut des sanctions, il faut saisir le Conseil de sécurité,…

M. le président. Il faut conclure.

M. Pierre Laurent. … et il faut suspendre l’accord d’association entre l’Union européenne et l’État d’Israël,…

M. le président. Il faut conclure.

M. Pierre Laurent. … il faut agir vite !


 


La République en sous-traitance

Prenons garde qu’une République sous-traitée, ne finisse pas mal traitée ! -

 Par Eric Bocquet  / 14 mai 2021

La commémoration du 10 mai 1981 nous amène aussi à évoquer le contexte économique et politique mondial de l’époque.

Au Royaume-Uni, Margaret Thatcher était au 10 Downing Street depuis deux ans, et à la Maison Blanche, un cow-boy venait de s’installer, Ronald Reagan. Lors de son discours inaugural, le nouveau Président des Etats-Unis eut cette formule restée célèbre : « l’Etat n’est pas la solution, l’Etat c’est le problème ». Ces quelques mots résument parfaitement la nouvelle idéologie du néo-libéralisme qui s’installait dans le monde ; sa philosophie centrale reposait sur la seule vérité du Marché, traduction concrète, financiarisation, privatisations, réduction de la dépense publique pour l’essentiel.

La France résista quelques temps puis finit par céder à la pression du Marché et du libéralisme. Et depuis le travail de réduction du rôle et du poids de l’Etat en France n’a pas cessé. Un rapport récemment publié nous présente une synthèse intéressante sur le sujet. Son titre : « 160 milliards d’externalisation par an : comment la puissance publique sape sa capacité d’agir ».

Externalisation veut dire confier à un acteur privé la réalisation de tout ou partie de l’action publique, c’est l’histoire des concessions et délégations de service public. Ce mouvement a connu une accélération récente que l’on peut dater du milieu des années 1990. Le recours à l’externalisation peut aujourd’hui être estimé à 160 milliards par an, le recours désormais massif à l’externalisation soulève des questionnements qui mettent en jeu la capacité de la puissance publique à agir au quotidien et à prendre des décisions souveraines…

A partir du XVIIIème siècle, cette externalisation fut cantonnée à la construction des infrastructures nécessitant un apport important de capitaux : canaux de navigation au XVIIIème, puis les chemins de fer, éclairage public ou adduction d’eau potable par exemple. Cette intervention technique et financière s’accompagne aussi de l’installation progressive d’un cadre intellectuel, idéologique nouveau et amène entre autres la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) entre 2007 et 2012, la MAP (la modernisation de l’action publique) sous François Hollande, avec baisse de l’emploi public en fil conducteur.

Nous ne voulons pas du tout Etat, nous avons besoin d’un Etat fort, souverain et efficace.

Prenons garde qu’une République sous-traitée, ne finisse pas mal traitée !

 


 


LOIS

L’urgence climatique et écologique mérite mieux que cette mascarade

Projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement -

 Par Éliane Assassi  / 10 mai 2021

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce projet de loi est issu de l’engagement du Président de la République pris devant la Convention citoyenne pour le climat, le 14 décembre dernier. Dans sa stratégie du « en même temps », il exprimait parallèlement un recul net sur les propositions formulées, brisant ainsi la promesse de reprise sans filtre.

Les ONG environnementales ne se sont pas trompées en dénonçant l’arbre qui cache la forêt des renoncements et de l’inaction du Gouvernement. Nous continuons ainsi de penser que les travaux de la Convention citoyenne méritent mieux que l’instrumentalisation, l’artifice référendaire et le fétichisme constitutionnel.

Au-delà de la traditionnelle opération de communication, le piège tendu par le Président de la République était en réalité cousu de fil blanc. Cela n’aura pas empêché la majorité sénatoriale de s’y engouffrer, permettant au Président et candidat Macron de reporter la faute de l’inaction climatique sur un Sénat qualifié de conservateur et de mettre à son avantage une situation délicate pour le pouvoir.

C’est chose faite puisque, hier, jour des marches pour le climat, qui ont réuni plus de 115 000 personnes, Le JDD a fait sa une sur l’abandon du référendum, qui serait acté au plus haut sommet de l’État, avec d’assister à un rétropédalage du Président lui-même.

L’urgence climatique et écologique nécessite pourtant autre chose que ces gesticulations et cette instrumentalisation malhonnête et politicienne non seulement des travaux de la Convention citoyenne, mais également des institutions.

Je dois le dire : nous avions des doutes sur l’usage de ce référendum. En effet, si le peuple reste souverain et que nous sommes favorables à toute consultation populaire, le référendum qui nous est proposé semble démagogique. Par ailleurs, comme cela a été souvent le cas, notamment lors du référendum de 1962 relatif à l’élection du Président de la République au suffrage universel, il ouvre la voie à la personnalisation, transformant ce scrutin en plébiscite pour ou contre Macron.

À l’heure où le bilan environnemental, sanitaire, économique et social de ce quinquennat résonne douloureusement pour nos concitoyens, il est fort à la craindre que ce référendum ne fasse les frais de l’ensemble des causes des mécontentements. Bref, qu’il y soit question de tout sauf d’environnement.

Le choix de l’utilisation de la procédure référendaire est étonnant de la part de ceux-là mêmes qui méprisent la parole du peuple, tout autant que celle des organisations syndicales et de l’ensemble des corps intermédiaires, jouant de toujours plus d’autoritarisme.

Dois-je vous rappeler que, lorsque nous demandions la tenue d’un référendum sur les retraites ou sur la privatisation d’ADP, c’était le silence ?

Par ailleurs, réduire la nécessité de modifier la Constitution à son article premier méconnaît l’exigence plus large d’une réforme engageant un réel rééquilibrage des pouvoirs et le renforcement de la souveraineté populaire. L’exigence démocratique n’est-elle pas d’une grande urgence, y compris pour avancer sur la question environnementale ?

En est-il toujours question, à la suite des annonces contradictoires avant même le vote du Sénat ? Que faisons-nous ici ? Vous nous devez des explications, monsieur le garde des sceaux.

Là encore, le présent texte méconnaît gravement la conception que nous avons d’une démocratie parlementaire. Vous l’avez dit, monsieur le garde des sceaux, ce projet de loi, c’est dix-sept mots – pas un de plus, pas un de moins –, témoignant d’une vision assez peu républicaine du Parlement, devenu une simple chambre d’enregistrement du fait du prince. Nous ne l’acceptons pas !

Pour en venir au contenu du texte, nous estimons qu’il s’agit d’une manœuvre dilatoire. Selon le Gouvernement, ce projet de loi instaure un principe d’action positif. Monsieur le garde des sceaux, vous avez vous-même fait état d’une « quasi-obligation de résultat ». Nous sommes pourtant loin du compte, et ce quels que soient les termes employés, car ce projet de loi n’apportera rien à l’existant et qu’aucune obligation de résultat ne pèsera sur les pouvoirs publics.

Ainsi, il s’agit d’une mention inutile, puisque la Charte de l’environnement, intégrée au bloc de constitutionnalité, a d’ores et déjà valeur constitutionnelle. Par ailleurs, la portée de la Charte fait l’objet d’une évolution constante de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Le 31 janvier 2020, ce dernier a rendu une décision énonçant que le respect du droit à la santé et à l’environnement est un objectif de valeur constitutionnelle. Le Conseil se réfère explicitement au considérant de la Charte, garantissant ainsi à l’ensemble du texte la même force juridique. Dans une décision du 10 décembre 2020, le Conseil Constitutionnel a été plus loin en jugeant que les limites apportées par le législateur à la Charte de l’environnement « ne sauraient être que liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi ».

Cette évolution traduit une prise de conscience aiguë des enjeux environnementaux, permettant une montée en puissance de la valeur juridique de la Charte de l’environnement au gré d’une jurisprudence évolutive. L’État est déjà soumis à une obligation de lutte contre le changement climatique au regard de ses engagements internationaux… C’est d’ailleurs sur ces derniers que se fonde le recours administratif contre l’État pour carence fautive dans « l’Affaire du siècle »…

La question est donc de savoir si la proposition de modification de l’article 1er améliore ou non l’état actuel du droit. Je répondrai en sept points.

Premièrement, certains juristes déplorent – nous partageons leur analyse – un recul des termes par rapport à la Charte de l’environnement, puisqu’il est prévu d’introduire à l’article 1er de la Constitution que la République « garantit la préservation de l’environnement ». Il n’est ici nullement question d’améliorer l’environnement, voire de le réparer, comme le précise l’article 2 de la Charte. Cette posture défensive apparaît largement contestable et ouvre la voie à une régression.

Deuxièmement, telle qu’elle est formulée, la phrase suscite des interrogations. Elle renvoie à la notion de « République ». Or la République n’est pas une personne, ce qui explique que l’article 1er de la Constitution renvoie surtout à des valeurs et non à une politique. Ainsi la notion de « République » ne permet-elle pas de garantir un quelconque recours en responsabilité.

Troisièmement, le Conseil d’État lui-même pointe les difficultés que pose la rédaction proposée, qui distingue trois sous-thèmes : la préservation de l’environnement, la diversité biologique et la lutte contre le changement climatique. Cette rédaction remet en cause l’aspect globalisant de la notion d’environnement, pourtant reconnu par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et l’esprit de l’article 110-1 du code de l’environnement. Une telle rédaction s’articulera en outre difficilement avec la définition du domaine de la loi, telle qu’elle figure à l’article 34 de la Constitution.

Quatrièmement, rien n’empêchera le Conseil constitutionnel, comme il le fait toujours dans le cadre du contrôle de proportionnalité, de mettre en balance le droit de l’environnement et d’autres principes ou libertés constitutionnels. En effet, très peu de droits sont aujourd’hui dits « indérogeables » ou intangibles. L’inscription à l’article 1er qui nous est proposée n’apporte donc aucune garantie sérieuse sur la future jurisprudence du Conseil constitutionnel, contrairement à ce que j’ai pu entendre en commission sur une prétendue hiérarchie des principes constitutionnels.

Ce constat a d’ailleurs conduit le Conseil d’État à demander au Gouvernement de préciser la portée juridique réelle de la disposition qu’il propose.

Cinquièmement, nous redoutons que cette révision constitutionnelle n’entraîne une judiciarisation accrue des politiques environnementales et un renforcement du rôle du juge, ce qui ne serait pas le gage de réels progrès. Au contraire, cela entraînerait une forme de dessaisissement des pouvoirs publics. Le juge ne peut être un vecteur pour imposer de nouvelles contraintes environnementales, sans poser la question de l’adhésion à la norme.

Les promoteurs de cette réforme arguant qu’il s’agit de donner un appui supplémentaire au juge constitutionnel, nous en profitons pour rappeler notre critique du Conseil constitutionnel, organe politique illégitime.

Enfin, et cela sera mon dernier point, la vaine discussion qui a agité la commission des lois sur les verbes « garantir », « favoriser » et « lutter » ne nous semble pas essentielle. Ce débat est largement surjoué. On peut en effet déduire de l’article 61-1 de la Constitution que l’ensemble des droits et libertés constitutionnels sont « garantis ».

Par ailleurs, certains droits sont déjà « garantis » dans la Constitution, notamment dans son préambule. Pour autant, ces droits ne sont pas appliqués. C’est malheureux et nous le déplorons ! Ces droits restent le plus souvent largement fictifs. Ainsi, la Constitution garantit à la femme des droits égaux à ceux de l’homme, elle garantit à tous la protection de la santé et un égal accès à l’instruction et à la culture. Par ailleurs, l’alinéa 5 du préambule de 1946 consacre le droit d’obtenir un emploi. Malgré cela, ces droits sont insuffisamment protégés.

À l’inverse, d’autres évolutions constitutionnelles ou législatives auraient des effets réels et directs. Il est ainsi nécessaire de compléter la Charte de l’environnement par des principes qui sont aujourd’hui de nature législative : la solidarité écologique, l’utilisation durable des ressources et, surtout, la non-régression. Tel est le sens des amendements que nous vous soumettrons.

Enfin, et surtout, référendum ou non, la protection de l’environnement requiert des politiques publiques et des moyens financiers, et non des politiques du rabot comme celles qui frappent le ministère de la transition écologique ou des décisions comme celles qu’à récemment prises le Gouvernement sur le glyphosate et les pesticides.

Pour l’ensemble de ces raisons, et au regard du jeu de dupe que constitue l’examen de ce projet de loi constitutionnelle, le groupe CRCE votera contre ce texte. L’urgence climatique et écologique mérite mieux que cette mascarade.

 


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