Un budget de sous-financement
de la Sécurité sociale
Le budget de la Sécurité sociale 2020 présenté par le gouvernement n’est pas un budget de financement, il est plutôt un budget d’assèchement des comptes de la Sécu. Ainsi, il entrave le plein accomplissement de ses missions.
Pour le gouvernement, la perspective est claire : la Sécurité sociale doit être corsetée pour baisser la rémunération du travail. Il faut nourrir toujours plus une économie financiarisée aux mains de quelques puissants propriétaires ; c’est pourquoi il dédouane à tour de bras, aveuglément. Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, et pour Emmanuel Macron et son équipe, les exonérations aussi.
Il nous propose d’acter la fin du principe de compensation intégrale de ces exonérations. Et l’on comprend bien pourquoi : les montants qu’elles atteignent les rendent de plus en plus difficiles à compenser ! 66 milliards d’euros au bas mot, deux fois plus qu’en 2013.
Après que les chômeurs ont été soumis à rude contribution, les allocations familiales, logement, adulte handicapé et la prime d’activité subissent un quasi gel. Les retraites sont enfin réindexées sur l’inflation, à condition qu’elles n’excèdent pas 2 000 euros, ce qui constitue une atteinte manifeste aux droits acquis, en guise d’apéritif pour la réforme des retraites qui mijote sur un coin de la cuisinière. Parallèlement, ce sont les congés maladie qui sont attaqués.
Je veux en venir à la santé. En maintenant un Objectif national des dépenses assurance maladie (ONDAM) à 2,3 %, le gouvernement exige 4,2 milliards d’économies sur la santé, dont un milliard pour l’hôpital.
Nous savons pourtant que l’hôpital est en crise généralisée. Un peu partout dans le pays, les personnels sont en grève, dans les services d’urgence, de psychiatrie et ailleurs. Ils demandent juste la possibilité d’exercer leur métier, ils demandent juste la possibilité de traiter les patients dignement, ils demandent juste des collègues, d’abord des collègues pour avoir le temps du soin et de l’humain, puis du matériel pour ne pas être obligés de prodiguer des soins avec des sur-chaussures ou de bricoler des pieds à perfusion, ils demandent l’arrêt des fermetures de lits et de services, ils demandent la reconnaissance qui leur est due… La souffrance au travail dans le domaine de la santé est criante.
Ce budget est intenable, car l’hôpital est déjà dans une position insoutenable.
Les ressources existent pour faire face et il faut sans attendre sortir de la logique de compression, qui confine à la politique de la cocotte-minute.
Voici quelques jours, notre groupe a déposé une proposition de loi portant des mesures d’urgence1. Elles sont attendues pour redessiner une perspective avec les premiers acteurs du système de soins.
Des mesures du même ordre sont attendues dans les Ehpad où la situation continue d’être critique et qui appelle là aussi un tout autre niveau d’engagement collectif. Je veux dire la satisfaction qui est la nôtre de voir une proposition de loi que nous avions défendue à l’Assemblée2 faire son entrée dans ce budget. C’est une proposition modeste et nous l’avions conçue comme un premier pas, acceptable par le gouvernement et la majorité, je veux parler du congé de proche-aidant. Enfin, il pourra être indemnisé. Onze millions de nos concitoyennes et concitoyens sont dans cette situation et ils, elles assument, en y abîmant leur santé, une solidarité qui devrait être celle de toute la collectivité. Ce congé ne suffira pas, mais il pourra au moins permettre de faire face quand survient le besoin.
La Sécurité sociale mérite un autre dessein et un autre budget. Et pour cela, sans doute, une autre gouvernance que cette mainmise de l’État, pour redevenir l’affaire du plus grand nombre, de ses contributeurs et de ses ayants droit. Dans la société grandit l’exigence de santé, l’exigence d’autres modes de vie, de production et de consommation. Le soin sera toujours nécessaire. Mais nous pouvons empêcher la survenue de nombre de problèmes de santé et cela doit être une priorité. Plus largement, dans une société inquiète de son avenir, où les mutations s’enchaînent, nous devons mieux protéger les femmes et les hommes tout au long de leur vie. Nous devons inventer de nouvelles formes de protection sociale. Et cela demande d’en finir avec la course à l’austérité publique et sociale qui vient financer l’opulence d’officines privées et d’un petit nombre de leurs propriétaires. Ce sont eux qu’il faut mettre à la diète. L’œuvre civilisatrice qu’il nous revient de poursuivre appelle à prélever sur les richesses produites la part suffisante à assurer les droits fondamentaux de chacune et chacun.
Ambroise Croizat, lorsqu’il posa la première pierre de la Sécurité sociale, pour conjurer « l’incertitude du lendemain qui pèse sur tous ceux qui vivent de leur travail », voulait ainsi, disait-il, « permettre à tous les hommes et à toutes les femmes de développer pleinement leurs possibilités, leur personnalité ». Voilà pourquoi elle constitue aujourd’hui encore, malgré les entailles qui lui ont été portées, un rouage essentiel de la République. Plus qu’un rouage elle devrait en demeurer un grand projet.
Pierre Dharréville
Député des Bouches du Rhône
Membre du CEN
Membre du CEN
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire