Abandonner les Kurdes, c’est abandonner la lutte contre le terrorisme
islamiste
Offensive turque dans le nord-est syrien -
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des
affaires étrangères.
Après avoir donné à la Turquie son accord pour pénétrer dans le
nord-est de la Syrie, afin d’y créer une zone dite « de sécurité »,
le Président des États-Unis semble rétropédaler. Pour autant, aujourd’hui, des
chars et des véhicules blindés se dirigent vers la frontière ; une
offensive est imminente.
Pour les Kurdes, cette zone de sécurité équivaut à une zone de
péril et de mort certaine. États-Unis ou pas, de toute façon, Erdogan se moque
totalement du droit international et s’allie sans vergogne avec des mouvements
islamistes contre les Kurdes. Pourquoi se priverait-il ? À chaque nouvelle
offensive, aucune sanction réelle de la communauté internationale !
L’abandon programmé des Kurdes syriens ne constitue pas seulement
une faute morale ; c’est aussi une faute stratégique. Rappelons-nous bien
que, si l’État islamique n’existe plus aujourd’hui, c’est en grande partie
grâce aux combattants et combattantes kurdes – je pense notamment à ces femmes
formidables.
Faut-il désespérer de l’influence de notre gouvernement dans ce
conflit ? Le groupe CRCE attend une protection immédiate de nos amis
kurdes par l’ONU, seul symbole d’une future démocratie laïque au Moyen-Orient.
Et il faut des sanctions financières lourdes, voire un blocus et une mise au
ban de la Turquie.
Ne rien faire, c’est le déshonneur pour la France, monsieur le
ministre ! C’est aussi abandonner la lutte contre le terrorisme islamiste,
voire l’encourager indirectement. En France, nous avons malheureusement des
exemples de sa présence.
Monsieur le ministre, le retour de la paix dans cette région exige
maintenant des décisions fortes du gouvernement français et de la communauté
internationale. Il est grand temps !
J’espère que vous allez me donner des réponses concrètes, qui
montreront que la France agit effectivement dans ce conflit. (Applaudissements
sur les travées du groupe CRCE. – MM. Michel Amiel, André Gattolin et
Simon Sutour applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État
auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du
ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, je
souhaite tout d’abord excuser l’absence de Jean-Yves Le Drian, qui se trouve
aujourd’hui à Lyon pour la conférence de reconstitution des ressources
financières du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le
paludisme.
Je crois que nous partageons tous très largement un immense
respect pour les combattants et les combattantes – vous l’avez souligné – des
forces démocratiques syriennes, qui sont notamment composées de Kurdes. Cette
organisation a joué un rôle clé dans la défaite territoriale de Daech, avec le
soutien de la coalition internationale.
Le courage de ces hommes, de ces femmes des forces démocratiques
syriennes, les FDS, les sacrifices qu’ils ont consentis appellent notre
reconnaissance. Le Président de la République a pu leur témoigner à plusieurs
reprises, au nom de la Nation, en les recevant au Palais de l’Élysée. Très
récemment encore, hier plus précisément, M. Emmanuel Macron a reçu le porte-parole
des FDS, Jihane Ahmed, et lui a fait part de sa préoccupation s’agissant de
l’opération turque.
Il est très préoccupé, car le combat contre Daech, qui se poursuit
aux côtés des FDS, reste notre priorité en Syrie. Il est donc important de
préserver ces forces, dans le contexte que vous avez rappelé. Mieux, il
convient de leur témoigner tout notre respect. C’est ce que nous disons aux
Américains, aux Turcs, avec clarté, avec franchise. Selon nous, seul le
dialogue politique permettra, dans la durée, de garantir une place, dans la
Syrie de demain, non seulement aux Kurdes, mais aussi aux autres minorités,
notamment les chrétiens.
Le courage et les sacrifices des Kurdes nous ont obligés hier, ils
nous obligent aujourd’hui et ils nous obligeront demain.
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