samedi 26 avril 2014

« Il s’agit d’un énorme recul de la démocratie sociale»

Gérard Filoche : 

« Ce qu’ils veulent, c’est la 

suppression pure et simple 

des Prud’hommes ! »

L'ancien inspecteur du travail dénonce un déni de
démocratie sociale
Le projet de réforme dont le vote à marche forcée aura lieu
fin mai,prévoit la désignation des conseillers Prud’hommes,
non plus sur une élection, mais sur la mesure de l’audience
des organisations syndicales. Un grave recul démocratique
dénoncé, entre autres, par la CGT.
Élus tous les 5 ans au suffrage universel, les conseillers
 Prud’hommes sont une force inestimable pour les salariés
qui veulent obtenir réparation d’un préjudice subi de la part
de leur employeur, qu’ils soient précaires, privés d’emploi
ou retraités.
Cela représente 200 000 affaires par ans, dont 80%
sont jugées en première instance et confirmées en appel.
Malgré le fait que les employeurs aient généralement
tendance à « jouer la montre » en multipliant les recours
et en tardant indemniser les salariés lésés,
cette juridiction constitue un contre-pouvoir important
et un élément majeur de la démocratie sociale.
D’ailleurs, quand elle était encore à la tête du MEDEF, 
Laurence Parisot avait déclaré que les Prud’hommes étaient « générateurs d’insécurité pour les patrons »
preuve s’il en fallait de leur utilité pour les salariés !
L’actuel projet de réforme des élections prud’homales
initialement abordée dans le projet de loi sur la formation
professionnelle, puis retirée, est finalement de retour
devant le Parlement.
Un nouveau projet de texte a été déposé fin mars par le
gouvernement. Le projet de loi sera soumis aux sénateurs l
e 14 mai et examiné par l’Assemblée Nationale dans
la foulée en procédure accélérée, pour une adoption
définitive fin mai.
S’il est adopté la loi fondera désormais la désignation des
conseillers prud’hommes, non plus sur une élection, mais
sur la mesure de l’audience des organisations syndicales
de salariés et d'employeurs (reposant sur les résultats
du premier cycle de mesure de l'audience syndicale,
disponible depuis 2013). Pire, dans un deuxième temps
(à l'horizon 2017), les sièges de conseillers employeurs
seraient attribués aux organisations patronales
via la mesure de la représentativité patronale,
qui vient tout juste d’être introduite par la loi sur la
formation professionnelle.
« Il s’agit d’un énorme recul de la démocratie sociale», 
dénonce à l’unisson les représentants de 
Force Ouvrière, de la CGC, la FSU, de Solidaires, 
et bien sûr de la CGT, à l’initiative d’une pétition
pour défendre cette juridiction unique en Europe.
« Cette suppression de l’élection des conseillers prud’hommes 
au suffrage universel est une attaque à la citoyenneté 
et un déni de démocratie car 5 millions de chômeurs, 
ainsi que les travailleurs précaires, se verraient privés 
de toute expression vis-à-vis de leurs juridictions 
prud’homales, ne participant pas aux élections 
des représentants du personnel au sein des entreprises, 
scrutin sur lequel la représentativité syndicale est 
désormais mesurée … 
De même, 5,4 millions de salariés ne pourraient pas faire 
entendre leur voix en 2015 n’ayant pas été pris en
compte dans la mesure de la représentativité actuelle »,
explique l’organisation syndicale(CGT) sur son site.
Les arguments avancés par le gouvernement pour
justifier une telle mesure sont d’une part, le cout
de ces élections, qui représente 91 millions, par scrutin
(une fois tous les 5 ans).
« En réalité c’est 4,77 € par votant ! Un cout légèrement 
inférieur à celui de toutes les autres élections. 
C’est un prix modique quand il s’agit de 
démocratie sociale, bondit l’ancien inspecteur du travail
Gérard Filoche. Pourquoi ne pas plutôt 
supprimer les élections consulaires aux chambres des 
métiers et d’industrie, s’il faut vraiment faire des économies. »
Quant au second argument, celui de la faible participation
(elle était de 34,5% au dernier scrutin, en 2010), il est tout
simplement absurde pour la CGT : « Va-t-on bientôt 
supprimer les élections politiques au motif d'une 
augmentation de l'abstention ? Faut-il casser le thermomètre 
ou bien prendre les mesures pour relancer la participation 
aux élections de la juridiction la plus populaire de ce pays ? »
D’autant, rappelle Gérard Filoche, que « ce sont 
les seules élections auxquelles peuvent participer 
les travailleurs immigrés ! Après de 6 mois de présence 
dans une entreprise, un salarié, même de nationalité 
étrangère, peut voter à cette élection nationale»
Il alerte aussi sur les conséquences graves pour les salariés
en difficultés qui seraient moins bien informés de leurs
 droits et surtout coupé de tout contact avec leurs représentants :
« Avec la suppression de ce scrutin, le but c’est de 
supprimer purement et simplement les prudhommes. » 
La méthode est classique, on vide un élément de sa
substance, puis on dénonce son inutilité…
avant de le supprimer.
L’heure est donc plus que jamais à la mobilisation
de toutes et tous pour éviter la destruction pure et
simple d’un élément fondamental de notre démocratie.
D’ailleurs, le mot prud'homme vient de   prode homme,
dont la racine latine est dérivée du verbe latin prodesse :
« être utile ». CQFD !

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