Coup de pistolet sur le CETA
Un puissant coup de pistolet vient de retentir
dans le ciel
gouvernemental et européen. Un de plus !
À l’initiative des
sénateurs communistes et particulièrement
de Fabien Gay (par ailleurs directeur
et président du
groupe L’Humanité) le traité de libre-échange
avec le Canada
(accord économique et commercial global
(AEGC/CETA) a été largement rejeté,
alors qu’il n’avait
été approuvé que par une courte majorité par l’Assemblée
nationale le 23 juillet 2019 quant à l’époque la macronie
y disposait d’une majorité
absolue.
Les petites mesquineries journalistico-politiciennes
déployées depuis deux jours pour dénoncer une
prétendue
alliance entre les communistes et
les républicains ne
servent
qu’à occulter les graves enjeux qui se cachent
derrière
ce traité, préfiguration d’un traité transatlantique
plus global.
D’abord, lors du vote au parlement européen le
15 février 2017, une majorité des parlementaires
européensfrançais avait rejeté ce texte.
Seize
d’entre eux seulement sur soixante-quatorze
avaient voté pour ce
traité.
Au sein de l’hémicycle européen, la France
apparaissait
donc déjà la plus hostile à l’accord avec le
Canada.
Et, la plupart des députés Républicains comme
ceux
du Modem se sont abstenus ou ont voté contre,
manifestant ainsi leur désaccord.
Il n’y a donc ici aucune connivence mais une
discussion
et des votes pour ou contre l’intérêt général.
Car ce traité est une machine de guerre contre
les
travailleurs des villes et des champs.
Mais aussi contre les élus
locaux car il ouvre les
« marchés publics « à la
concurrence
internationale contre l’emploi local et la
souveraineté
des élus communaux, départementaux et régionaux.
Car de quoi s’agit-il exactement ?
D’un traité de 2344 pages, difficile
d’accès
rédigé pour :
- Diminuer les droits de douanes jusqu’à les
supprimer
sur les produits et les services afin de faire de
l’union
européenne « un marché ouvert ou la
concurrence
est libre ». Autrement dit, insérer toujours
plus
les économies européennes et canadiennes
dans
la mondialisation capitaliste.
Les chapitres 17
et 18 reprennent mot pour mot les
termes du traité
européen de Lisbonne ;
« les parties admettent
l’importance
d’une concurrence libre et non faussée »
proscrivant
« les comportements anticoncurrentiels
susceptibles
de fausser le bon fonctionnement du marché
et
de réduire les avantages découlant de la
libéralisation
des échanges ».
Bref, il faut accélérer la
mondialisation
capitaliste qui fait tant de mal !
- Affaiblir ou annuler toutes les règles et les
normes qui
freinent indirectement le commerce soit les
«barrières non-tarifaires ». C’est la disparition
progressive des normes sanitaires et sociales
contre
l’alimentation de qualité et les droits du travail.
Au Canada on
nourrit les bovins avec des farines
animales et on peut
les doper aux antibiotiques.
Le chapitre ‘ du texte
enjoint les États à éliminer
les différences de
règlementations et de lois afin y est-il
écrit « d’améliorer la
compétitivité et l’efficacité de
l’industrie ».
Il existe bien une
interdiction
d’importer de la viande traitée aux antibiotiques
adoptée en 2019 mais elle n’est en rien
appliquée.
-Un tribunal spécial dit « Investment Court
System »
(ICS) est créé pour traiter les plaintes des
multinationales qui se plaindraient des législations
nationales
qui freineraient le dit commerce.
De tels tribunaux existent
déjà.
Ce sont des tribunaux privés avec des magistrats
et
des avocats d’affaires des plus grands cabinets
anglo-saxons dont l’appétence pour l’intérêt général
est plus
que modéré.
Dans ces tribunaux on est interchangeables.
Un jour on peut être avocat pour une firme,
le
lendemain le magistrat qui rend une sentence.
Le but est
toujours d’attaquer
les législations sociales et environnementales
des États.
Le pauvre ministre du commerce extérieur
s’emmêle
les pinceaux en nous abreuvant de chiffres qui ne
veulent rien dire tout en nous faisant croire qu’il
défend « la souveraineté ».
Au vrai, si ce sont des tribunaux spéciaux qui
font
la jurisprudence contre les États, ils détruisent
leurs
lois souveraines.
En 2017, le gouvernement avait mandaté des
experts afin
d’évaluer les impacts environnementaux et
principalement climatique de cet accord.
Leur rapport était
défavorable.
Le pouvoir s’est empressé de le ranger au fond
d’un
tiroir qu’aucun journaliste n’a ouvert depuis
lors.
L’accord ne comprend aucun engagement net pour
le
climat.
Il est depuis avéré que l’augmentation des
échanges
commerciaux a de sérieux impact sur les émissions
de gaz à effet de serre. Là encore, on assiste au
double discours du pouvoir et des institutions
européennes.
Il est avéré que les importations européennes
de
pétroles issus de sables bitumineux, de minerais
et
d’engrais ont augmenté sérieusement.
Un traité dit « Mixte »
Le conseil européen a été contraint par la cour
de justice
européenne de demander l’approbation des
parlements
nationaux pour la mise en œuvre de ce traité. Il
en effet
considéré comme un accord dit « mixte »
c’est-à-dire
comportant un volet de « politique commerciale
commune »
(au sens du traité européen article 207) mais
aussi
des dispositions relevant de la compétence
partagées
avec les États membres.
C’est le cas des investissements étrangers
(autres que
les investissements directs) qui sont un « volet
dit
extérieur de la libre circulation des capitaux » et
ne
relèvent donc pas de la politique commerciale.
L’autre question qu’a soulevée la cour est la
mise en
place des tribunaux privés spéciaux visant aux
règlements des différends entre États et
multinationales.
En effet, la cour considère que ces tribunaux
permettraient de soustraire les différends
«
multinationales-États » de la compétence des tribunaux
publics des États
membres.
Ces tribunaux « ne sauraient… être instauré
sans
le consentement des États membres » selon
l’arrêt
de la cour du 16 mai 2017. Elle ajoute qu’en ce
qui
concerne les investissements étrangers autre que direct,
cet accord « ne saurait être approuvé par l’union seule
».
Elle suggère ainsi nettement qu’il s’agit d’un
«
accord mixte qui doit être soumis aux États et à leur
parlement et recevoir leur approbation.
(Voir aussi dans mon
livre « le traité avec le Canada
mis à nu » le chapitre
intitulé « Contraire au
droit européen »).
La cour des investisseurs est contraire à
l’autonomie
juridique de l’Union européenne. De plus,
elle entraîne
des discriminations interdites par la charte des
droits
fondamentaux de l’Union européenne.
Contrairement aux tribunaux nationaux, les
tribunaux
d’arbitrage privés ne respectent pas la primauté
du droit
européen. Ils ne sont pas non plus tenus, en cas
de litige,
de renvoyer leur jugement devant la cour de
justice
européenne. On voit ici le peu de valeurs des
discours
sur la « souveraineté européenne » dès lors qu’il
s’agit
des intérêts du grand capital international !
Il est manifeste qu’en appliquant cet accord
«
provisoirement » sans l’accord des parlements
nationaux, les
institutions européennes, agissent au
nom de ce même grand
capital international.
Ils ne peuvent le faire qu’en
bafouant la démocratie.
Le gouvernement qui a refusé de le déférer devant
les
deux chambres a encore aggravé le déni de
démocratie.
Il a fallu toute l’énergie et la détermination,
l’opiniâtreté
et le sens politique de Fabien Gay au nom
du
groupe communiste pour déterrer le CETA et
obliger à
un débat et à un vote. Le pouvoir aurait bien
tort de
ne pas en tenir compte.
Ne nous faisons aucune illusion.
Les travailleurs européens comme canadiens
doivent
prendre appui sur ce vote pour poursuivre l’action
jusqu’à la suspension de ce traité qui a pour seul objectif
leur mise en concurrence, la destruction de leurs droits
sociaux, tout en aggravant la crise climatique et
en
précarisant la sécurité sanitaire de la nourriture.
Une nouvelle opportunité va s’offrir aux
associations
et aux syndicats et au mouvement social et
environnemental le 30 mai prochain avec l’initiative
parlementaire communiste annoncée par
André Chassaigne, pour un débat
et un vote
à l’Assemblée nationale.
D’ici là l’action doit reprendre de la vigueur
alors
que 10 états membres n’ont pas encore ratifié ce
traité.
Un pistolet à deux coups est toujours plus
efficace !
Voir aussi mon livre « le traité avec la Canada mis à
nu »
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