lundi 29 novembre 2021

 


Grande sécu, grosse manip’

Lundi 29 Novembre 2021

Les mauvais coups se préparent toujours par des commissions ou rapports qui expliquent les nécessités des régressions sociales. Voici qu’à la veille de l’élection présidentielle, sous les lambris de quelques ministères et de l’Elysée, se concocte un projet dit de « grande sécu ». S’agit-il de répondre aux déserts médicaux, à la crise de notre système de santé ou aux défis du vieillissement ? Rien de cela !

En apparence le projet semble alléchant. Il est présenté comme un moyen pour les assurés sociaux de réaliser des économies sur leurs mutuelles ou complémentaires santé. Ainsi, sur commande du ministre de la santé, le Haut-conseil pour l’avenir de l’assurance maladie brandit la somme de 19 milliards € d’économies. Un grand bluff, puisque cette somme sera payée par les assurés sociaux sous forme d’impôts, avec une augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) ou des surplus de TVA.

Il est bon de rappeler que lors de sa création, la CSG a été présentée comme une contribution provisoire. Non seulement ce prélèvement supplémentaire dure mais augmente régulièrement. A celui-ci s’est ajoutée la Contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). De loin en loin, une part du financement de la protection sociale s’est donc fiscalisé et étatisé, à l’opposé du mode financement et de gestion pensés par Ambroise Croizat , selon lesquels les travailleurs gèrent eux même, via la cotisation, les richesses produites par le travail dans l’objetif de faire face solidairement au risque, au chômage, à la vieillesse, à la maladie.

Aujourd’hui, il est proposé de pousser encore plus loin cette étatisation par le bais d’une fiscalisation : le système solidaire assis sur les cotisations sociales issues du travail et des richesses produites sera remplacé par un impôt qui augmentera au fur et a mesure des demandes étatiques pour rembourser une dette globale, alors que les recettes du budget de l’Etat diminuent du fait des exonérations d’impôts et de cotisations sociales des plus grandes entreprises. On insérera donc la Sécurité sociale dans le périmètre contraint des comptes de l’Etat, eux-mêmes soumis aux dogmes austéritaires. C’est, du reste, ce qui vient d’arriver à l’assurance chômage. En ligne de lire se trouve le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), distinct du Projet de loi de finance de l’Etat (PLF), que les libéraux rêvent de fusionner. Ce qu’on prendra d’un coté sera donc, soit financé par la dette contractée auprès des marchés financiers, soit contrebalancé par de nouveaux coups de canif contre la fonction publique et les dépenses utiles. Avec, in fine, le même chantage.

Déjà l’abondement des caisses de la Sécurité sociale par l’impôt a aboutit à plus de déremboursements de médicaments, à une considérable dégradation des conditions de travail des personnels, et a une dégradation générale de nos systèmes de santé.

Avec ce projet, ce ne serait donc plus les assurés sociaux avec leurs représentants, les employeurs et l’Etat qui géreraient la Sécurité sociale, mais l’Etat seul qui disposerait du budget de la sécurité sociale dans le cadre « des trajectoires budgétaires » voulues par la Commission européenne.

Autrement dit, pendant qu’un panier de soins plus restreint serait imposé, une part de l’argent prélevé sur les citoyens serait dirigée vers le remboursement de la dette de l’Etat que l’on fait par ailleurs grossir. Les marchés financiers y trouveraient certainement leur compte. Pas l’intérêt général !

L’objectif vise aussi à réduire la part du salaire socialisé, donc à permettre aux employeurs d’abaisser encore les rémunérations globales issues du travail, baptisées «  coût du travail »  par les mandataires du capital.

Or, le cœur du financement de la sécurité sociale doit être calculé sur la masse salariale. Le lien avec l’entreprise et les créations de richesses par le travail doit rester sa matrice. Et, dans l’actuel contexte où les profits financiers se sont élevés à 232 milliards €, des sources supplémentaires de financement existent en faisant contribuer ces sommes au financement de la protection sociale. Ceci rapporterait rapidement entre 40 et 50 milliards €. De même l’égalité salariale entre les femmes et le sommes permettrait une rentrée supplémentaire de 20 milliards. Un plein emploi réel serait également une source considérable de recettes qui assurerait la pérennité du système solidaire.  La division par deux depuis 2018 des cotisations patronales, doivent être annulées au profit d’une nouvelle cohérence au service du bien commun. Celle-ci permettrait d’améliorer les remboursements des soins et des médicaments indispensables tout en créant une modulation des cotisations des employeurs selon qu’ils favorisent le travail et la formation, la réduction du temps de travail ou l’augmentation des rémunérations.

Il s’agit d’un enjeu de taille : défendre notre système de Sécurité sociale, financé par le salaire socialisé, à l’heure où le pouvoir, avec l’ensemble des candidats de droite et d’extrême droite, qui ne cesse de se référer au Général de Gaulle pour mieux préparer la destruction de  tous les progrès conquis avec le Conseil national de la Résistance. Si le projet gouvernemental crée les conditions d’un débat pour régénérer et élargir le système solidaire de Sécurité sociale, la vigilance s’impose pour empêcher l’opération en cours.

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