INTERNATIONAL publié le 24/01/2021
Investiture de Joe Biden : Vers une nouvelle ère ?
L’investiture de Joe Biden pourrait signifier la fin d’une séquence marquée par la violence et le chaos de la présidence de Donald Trump. Le quadrillage de Washington et de nombreuses villes par les forces de sécurité et la garde nationale en dit long sur l’ampleur des fractures qui affectent la société américaine. Le pays, qui se présentait comme le parangon de la démocratie, traverse une crise majeure tant les inégalités, le racisme, la ségrégation, les volontés hégémoniques et les guerres impérialistes le minent en profondeur.
Les événements du Capitole demeureront l’expression la
plus aboutie du trumpisme. Répondant à l’appel du président sortant, afin de
renverser le résultat des élections, des suprémacistes blancs, des milices
d’extrême droite et des complotistes ont convergé dans leur projet de rupture
avec la démocratie en connivence avec le parti Républicain. Certes, si tous les
électeurs de D. Trump ne se retrouvent pas dans cette tentative de putsch, ils
n’en partagent pas moins les objectifs et les perspectives qu’il a pu
développer.
Joe Biden a, durant sa campagne, exprimé le souhait de
tourner la page du trumpisme sur le plan moral et politique, se faisant ainsi
l’écho de la répugnance exprimée par une majorité d’américains. Il a aussi été
porté par les aspirations d’une nouvelle gauche progressiste qui s’est
retrouvée dans la campagne de Bernie Sanders ou du formidable mouvement Black
Lives Matter qui, tous deux, aspirent à une société plus juste,
égalitaire, fraternelle et libre. Cela s’est manifesté par l’élection de
députés socialistes au Congrès. Rompre avec le trumpisme sur la forme ne
suffira pas car la situation exige une rupture radicale avec les dégâts du
néolibéralisme et les logiques de domination.
La publication de premiers décrets marque une césure
avec l’ère de D. Trump et il y a tout lieu de considérer que cela va dans le
bon sens. Pour faire face à la crise sanitaire, la nouvelle administration rend
désormais le port du masque obligatoire dans les bâtiments fédéraux, les
transports entre États et décide de réintégrer une institution internationale,
l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Des dispositions ont été adoptées pour
faire face à l’explosion de la pauvreté comme le moratoire sur les expulsions
de logement, le gel du remboursement des emprunts des étudiants et l’annonce
d’une augmentation des bas salaires. La lutte contre le réchauffement
climatique se traduit par la réintégration des accords de Paris, mais aussi
l’adoption d’un moratoire sur l’extraction pétrolière en Alaska, le blocage de
l’oléoduc Keystone XL et un décret sur la réduction des émissions de gaz à
effet de serre. Toutes aussi significatives apparaissent les décisions en
matière de politique migratoire. Le rétablissement du statut temporaire,
l’annonce de la régularisation par étapes de onze millions de sans-papiers et
des « dreamers » ainsi que l’arrêt de la construction du mur à
la frontière mexicaine répondent aux attentes des communautés
latino-américaines qui jouent un rôle essentiel dans l’économie du pays et
ouvrent des perspectives pour faire reculer les haines. Enfin des mesures
symboliques, mais qui demeurent déterminantes, visent à lutter contre les
discriminations raciales et prennent en compte l’exigence d’égalité entre tous
les citoyens.
Mais ne nous y trompons pas, les milieux d’affaires,
au cœur de la nouvelle équipe gouvernementale, piloteront le plan de relance et
d’investissements de 1800 milliards de dollars qui suscitent déjà l’euphorie de
Wall Street. Sur le plan international, si la politique conduite pourra être
plus cohérente, marquée par une éventuelle reprise des discussions sur le
nucléaire iranien et un certain multilatéralisme, les fondamentaux demeureront
les mêmes. L’escalade des tensions avec la Russie mais surtout avec la Chine
restera l’axe principal avec une dimension idéologique plus marquée comme en
témoigne l’annonce de la tenue d’un « sommet des démocraties ». L’équipe de Joe
Biden ne s’est pas prononcée sur le blocus illégal de Cuba et n’a pas répondu à
l’appel au dialogue de son président Miguel Diaz Canel. Elle a été favorable à
la guerre en Irak et ne reviendra pas sur le transfert de l’ambassade
américaine à Jérusalem. Elle n’entend pas non plus remettre en cause l’inique
législation d’extraterritorialité et réaffirme la volonté des États-Unis de
diriger à nouveau le monde. La menace est grande de voir pérenniser les
politiques antérieures ce qui aura, à n’en pas douter, des effets désastreux et
amplifiera à terme les divisions, les brutalités et les souffrances des
peuples.
Le Parti communiste français exprime sa solidarité
avec toutes les forces progressistes américaines qui ont contribué à la défaite
de D. Trump et luttent, dans des conditions difficiles, pour faire prévaloir un
monde de justice et de paix, pour une rupture avec les politiques en faveur des
milieux d’affaires, anti-sociales, anti-écologistes, racistes et autoritaires.
Pascal TORRE
responsable-adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient
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