dimanche 9 février 2014

Rejeter tout le marché transatlantique

Parick LE HYARIC


J’ai alerté ici même à plusieurs reprises et dans un ouvrage (Marché transatlantique : Dracula contre les peuples) sur les lourds dangers qu’induit le projet de création d’un marché unique entre les Etats-Unis et l’Union européenne. Depuis des mois, des syndicats, des associations de consommateurs, des mouvements citoyens, des élus progressistes éclairent sur ces dangers des deux côtés de l’Atlantique. Le projet est en effet une machine de guerre d’une puissance inégalée jusque là contre le monde du travail, les consommateurs, les assurés sociaux et contre nos systèmes productifs industriels et agricoles.

Le projet consiste à la fois à supprimer tous les mécanismes de protection aux frontières et à abaisser tous les droits sociaux et environnementaux. Et pour une part ceci se ferait par une mécanique infernale en dehors des parlements et des gouvernements, en violation des lois, code du travail, code pénal ou civil, code environnemental que se donnent les Etats – Nations, celui de la création de tribunaux arbitraux privés, permettant à des sociétés transnationales de poursuivre un Etat, dés lors qu’elles considéreraient que les législations des pays iraient à l’encontre de leurs intérêts de rentabilité et de profit. Ainsi, caché dans les dernières lignes du mandat de négociation européen, sous le chapitre intitulé « Cadre institutionnel et dispositions finales », il est indiqué que l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis « comprendra un mécanisme de règlement des différents approprié ». Plus loin, dans la partie concernant le commerce des services et la protection des investissements, on peut lire que l’accord « devrait viser à inclure un mécanisme de règlement des différends investisseurs-Etats efficace ». Ce mécanisme antidémocratique est déjà présent dans certains accords de libre-échange. Il a déjà permis à des entreprises européennes de poursuivre l’Egypte contre l’augmentation du salaire minimum ou le Pérou parce que celui-ci limitait l’émission de gaz toxiques ou des entreprises américaines du pétrole poursuivant le Canada parce qu’il veut enlever des substances toxiques dans les carburants. Autres exemples : en Uruguay comme en Australie, le géant du tabac Philip Morris, basé aux Etats-Unis a mené des poursuites contre les avertissements sanitaires sur les paquets de cigarettes. La multinationale suédoise de l’énergie Vattenfall réclame 3,7 milliards d’euros à l’Allemagne, suite à sa décision d’abandonner l’énergie nucléaire.

Sans rien demander à personne et dans le plus grand secret, la Commission européenne s’est elle-même donnée son mandat de négociation, dans lequel est prévu ce système de tribunal privé contre le droit que se donnent les Etats. Mais voici que la pression qui commence à monter de toute part, vient d’obliger le commissaire européen chargé de négocier avec les dirigeants européens, à prendre en compte, il y a quelques jours, ce mouvement et à suspendre pour quelques mois les négociations pour dit-il « trouver le bon équilibre entre la protection des intérêts des investisseurs européens et la préservation du droit gouvernemental à réglementer l’intérêt public ». Cela le contraint à organiser enfin une consultation publique jusqu’au mois de juin. C’est une nouveauté puisque le mandat de négociation était jusque là classé « diffusion restreinte »(1). Nous ne sommes évidemment pas dupes. Il s’agit ici pour la Commission européenne de tenter de passer les élections européennes à venir sans que le sujet ne mette le feu à la prairie du capital et des sociétés multinationales. Précisément, cela prouve que la mobilisation populaire et le relais de parlementaires qui ont fait éclater au grand jour cet enjeu qui, jusque là, était totalement caché, est utile aux citoyens et aux intérêts populaires.

Raison de plus pour enfoncer le clou, continuer de se mobiliser et choisir, aux élections européennes, le 25 mai, des parlementaires sur qui on peut réellement compter. Il faut d’autant moins baisser la garde que le traité de Lisbonne, en application depuis décembre 2009, donne à la Commission une compétence exclusive sur ces sujets. Le rapport de forces au parlement européen sera donc décisif. Evidemment, après cette décision, il ne manquera pas de députés européens qui déclareront que telle était leur position. Mais pourquoi alors ne disaient-ils rien jusque là ou votaient-ils les textes allant en ce sens ?
Voici un premier recul qu’il faudra donc conforter dans l’action et dans les urnes.


(1) Je révèlele contenu de ce texte dans le livre : Marché transatlantique : Dracula contre les peuples (éditions de l’Humanité).

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