Rejeter
tout le marché transatlantique
Parick LE
HYARIC
J’ai alerté ici même à plusieurs reprises et
dans un ouvrage (Marché transatlantique : Dracula contre les peuples) sur
les lourds dangers qu’induit le projet de création d’un marché unique entre les
Etats-Unis et l’Union européenne. Depuis des mois, des syndicats, des
associations de consommateurs, des mouvements citoyens, des élus progressistes
éclairent sur ces dangers des deux côtés de l’Atlantique. Le projet est en
effet une machine de guerre d’une puissance inégalée jusque là contre le monde
du travail, les consommateurs, les assurés sociaux et contre nos systèmes
productifs industriels et agricoles.
Le projet consiste à la fois à supprimer tous
les mécanismes de protection aux frontières et à abaisser tous les droits
sociaux et environnementaux. Et pour une part ceci se ferait par une mécanique
infernale en dehors des parlements et des gouvernements, en violation des lois,
code du travail, code pénal ou civil, code environnemental que se donnent les
Etats – Nations, celui de la création de tribunaux arbitraux privés, permettant
à des sociétés transnationales de poursuivre un Etat, dés lors qu’elles
considéreraient que les législations des pays iraient à l’encontre de leurs
intérêts de rentabilité et de profit. Ainsi, caché dans les dernières lignes du
mandat de négociation européen, sous le chapitre intitulé « Cadre
institutionnel et dispositions finales », il est indiqué que l’accord de
libre-échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis « comprendra un mécanisme de règlement des différents approprié ».
Plus loin, dans la partie concernant le commerce des services et la protection
des investissements, on peut lire que l’accord « devrait viser à inclure un mécanisme de règlement des différends
investisseurs-Etats efficace ». Ce mécanisme antidémocratique
est déjà présent dans certains accords de libre-échange. Il a déjà permis à des
entreprises européennes de poursuivre l’Egypte contre l’augmentation du salaire
minimum ou le Pérou parce que celui-ci limitait l’émission de gaz toxiques ou
des entreprises américaines du pétrole poursuivant le Canada parce qu’il veut
enlever des substances toxiques dans les carburants. Autres exemples : en
Uruguay comme en Australie, le géant du tabac Philip Morris, basé aux
Etats-Unis a mené des poursuites contre les avertissements sanitaires sur les
paquets de cigarettes. La multinationale suédoise de l’énergie Vattenfall
réclame 3,7 milliards d’euros à l’Allemagne, suite à sa décision d’abandonner
l’énergie nucléaire.
Sans rien demander à personne et dans le plus
grand secret, la Commission européenne s’est elle-même donnée son mandat de
négociation, dans lequel est prévu ce système de tribunal privé contre le droit
que se donnent les Etats. Mais voici que la pression qui commence à monter de
toute part, vient d’obliger le commissaire européen chargé de négocier avec les
dirigeants européens, à prendre en compte, il y a quelques jours, ce mouvement
et à suspendre pour quelques mois les négociations pour dit-il « trouver le bon équilibre entre la protection des intérêts des
investisseurs européens et la préservation du droit gouvernemental à réglementer
l’intérêt public ». Cela le contraint à organiser enfin une
consultation publique jusqu’au mois de juin. C’est une nouveauté puisque le
mandat de négociation était jusque là classé « diffusion restreinte »(1). Nous ne sommes
évidemment pas dupes. Il s’agit ici pour la Commission européenne de tenter de
passer les élections européennes à venir sans que le sujet ne mette le feu à la
prairie du capital et des sociétés multinationales. Précisément, cela prouve
que la mobilisation populaire et le relais de parlementaires qui ont fait
éclater au grand jour cet enjeu qui, jusque là, était totalement caché, est
utile aux citoyens et aux intérêts populaires.
Raison de plus pour enfoncer le clou,
continuer de se mobiliser et choisir, aux élections européennes, le 25 mai, des
parlementaires sur qui on peut réellement compter. Il faut d’autant moins
baisser la garde que le traité de Lisbonne, en application depuis décembre 2009,
donne à la Commission une compétence exclusive sur ces sujets. Le rapport de
forces au parlement européen sera donc décisif. Evidemment, après cette
décision, il ne manquera pas de députés européens qui déclareront que telle
était leur position. Mais pourquoi alors ne disaient-ils rien jusque là ou
votaient-ils les textes allant en ce sens ?
Voici un premier recul qu’il faudra donc
conforter dans l’action et dans les urnes.
(1) Je révèlele contenu de ce texte dans le
livre : Marché transatlantique : Dracula contre les peuples (éditions
de l’Humanité).
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