À l’issue de la campagne, selon une étude publiée par le Journal du
dimanche, Ian Brossat est identifié comme le candidat ayant le plus parlé du
social et de l’emploi. Julien Jaulin/Hans Lucas
PREMIÈRE ÉDITION.
MALGRÉ UNE
BELLE CAMPAGNE,
LE PCF
N’ATTEINT PAS LES 5 %
Lundi, 27 Mai, 2019
Avec des estimations
entre 2,3 % et 2,7 % des voix, la liste conduite par Ian Brossat, malgré des
points marqués dans le débat public, n’obtiendra pas d’élus.
Avec des estimations
donnant sa liste entre 2,3 % et 2,7 % des voix, le PCF devrait
recueillir un score situé dans l’étiage que lui accordaient les sondages avant
le scrutin. Malgré la campagne remarquée de sa liste « L’Europe des gens contre
l’Europe de l’argent », conduite par Ian Brossat, la formation ne franchissait
pas le seuil des 3 % qui donne droit au remboursement de ses frais, ni a
fortiori celui des 5 % nécessaires pour obtenir des députés au Parlement
européen. Les communistes n’y enverront ainsi aucun représentant pour la
première fois depuis la création de cette élection en 1979. Avant de se
présenter avec le Front de gauche pour les européennes en 2009 (6,48 %) et
2014 (6,61 %), le PCF avait recueilli 5,25 % des voix en 2004 (5,88 %
avec la liste du Réunionnais Paul Vergès).
« En dépit de nos
efforts, il arrive que la marche soit parfois trop haute pour être franchie du
premier coup. Ce soir, nous n’atteignons pas encore nos objectifs », a réagi
Ian Brossat à l’annonce des résultats. « Ces élus manqueront pour conduire les
combats plus que jamais indispensables. Ce combat ne s’en poursuivra pas moins
avec nos partenaires du Parti de la gauche européenne (PGE) et de la Gauche
unitaire européenne (GUE), dans les luttes qu’il faudra mener contre le
néolibéralisme et le nationalisme qui menace l’Europe et la France », a ajouté
le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, reprochant à Emmanuel Macron
d’avoir « offert à l’extrême droite un boulevard ».
Si les résultats ne
lui permettent pas d’avoir des élus, la campagne du PCF, elle, a marqué les
esprits. « C’est une belle campagne qui s’achève, après douze années d’absence
à une élection nationale. C’est une campagne que nous avons voulue sincère,
combative, fidèle aux combats et aux valeurs de la gauche », a salué la tête de
liste. « Révélation » de ces européennes, pour de très nombreux observateurs,
Ian Brossat a redonné, ces derniers mois, des couleurs à son parti et à ses
militants, ravis de mener campagne sous leur drapeau. Dès l’annonce du nom de
ses premiers colistiers – notamment de la numéro 2, Marie-Hélène Bourlard,
ouvrière du textile pendant quarante-trois ans et figure du film Merci Patron !
–, le ton est donné : « Le monde du travail s’est emparé du micro », prévient
l’élu parisien. « Sur notre liste, il y a des cols bleus, des blouses blanches,
des robes noires, des stylos rouges, elle est à l’image de la société
française. Au Parlement européen, sur 751 eurodéputés, il y a trois
ouvriers. C’est dire si on est loin du compte », explique-t-il encore au moment
de déposer les candidatures au ministère. Une idée martelée jusqu’au dernier
meeting, à Martigues (Bouches-du-Rhône), où Hella Kherief, l’aide-soignante
licenciée pour avoir témoigné dans Envoyé spécial, est l’invitée d’honneur.
De multiples initiatives «contre
l’Europe du fric»
À l’issue de la
campagne, selon une étude publiée par le Journal du dimanche, Ian Brossat est
identifié comme le candidat ayant le plus parlé du social et de l’emploi. Il
faut dire que, au fil des semaines, les initiatives se sont multipliées
« contre l’Europe du fric », des maternités victimes de l’austérité au siège
parisien de Google, où fleurissent les pancartes « Payez vos impôts en
France », en passant par les bureaux d’Amazon envahis de colis aux messages
explicites (« Des bracelets pour les fraudeurs fiscaux, pas pour les
salariés »)… À chaque étape, une proposition « pour l’Europe des gens » à la
clé, à l’instar de la « clause de non-régression sociale ». En parallèle, le
comité de soutien, présidé par Lassana Bathily, le « héros de l’Hyper Cacher »,
s’étoffe de personnalités comme la comédienne Josiane Balasko, ou encore d’une
liste de plus de 300 syndicalistes, tandis que les « punchlines » de Ian
Brossat offrent à sa campagne un tournant médiatique dès le 4 avril et le
premier débat sur France 2.
Les chausse-trapes ne
disparaissent pas pour autant. Sur le plateau des Grandes Gueules, les poncifs
anticommunistes sont à nouveau de sortie, avec un Daniel Riolo qui va jusqu’à
accuser les communistes d’avoir collaboré avec les nazis. Dans la dernière
semaine, France 2 se refusera, malgré deux chaises vides, à inviter le
candidat du PCF en première partie de soirée, le reléguant avec ceux que la
chaîne considère comme des « petits » candidats. Sur le terrain, en revanche,
de mémoire de militant, la mobilisation est au plus haut niveau : « Il y a un
climat que je n’ai pas vécu depuis longtemps », confie notamment Pascal, fin
avril, lors d’un meeting à Rennes. « Red is the new green ! » lance aussi
l’équipe de campagne, à la veille du meeting parisien de Japy, où Ian Brossat
met l’accent sur l’environnement.
«Écoutons-nous, respectons-nous,
travaillons ensemble»
Las, pour le PCF,
l’argument du « vote rentable », défendu par les communistes en fin de
campagne, n’aura pas décidé assez d’électeurs. « Le socle de voix obtenu est le
point de départ d’une longue reconquête de notre électorat », s’est engagé,
hier, le secrétaire national du PCF.
Dès mercredi dernier, en conclusion du
débat de France 2, Ian Brossat pointait un deuxième défi, celui de la
reconstruction de la gauche. « Ce soir, la gauche est affaiblie, tout est à
reconstruire. J’ai l’intime conviction que l’avenir passe par l’humilité, le
travail collectif, le respect mutuel, le refus de la tentation hégémonique.
Écoutons-nous, respectons-nous, travaillons ensemble », a-t-il invité hier
soir. Et Fabien Roussel d’insister dans la foulée : « Il convient maintenant de
travailler au rassemblement. C’est le sens de l’appel solennel que nous lançons
ce soir à l’ensemble des forces de gauche et à tous nos concitoyens, orphelins
d’une vraie politique de gauche. » Avec le rapport de forces dessiné par ces
élections, il y a urgence.
Julia Hamlaoui